La mise en place de management package participe activement à la convergence d’intérêts entre le capital et le travail. Historiquement appliqué dans les LBO, son recours s’est depuis étendu aux entreprises. Pierre-Olivier Bernard, fondateur et associé du cabinet d’avocats Opleo Avocats, nous explique comment utiliser ces outils à bon escient.

Décideurs. Quelle est la motivation d’une entreprise à mettre en place un dispositif de management-package ?

Pierre-Olivier Bernard. Le management-package est un outil d’avenir reposant sur la créativité des praticiens du droit et du chiffre. Les outils ainsi mis en œuvre participent à la convergence d’intérêts entre le capital et le travail. D’abord conçu en France dans le contexte des LBO, son recours s’est largement étendu aux entreprises où la création de valeur repose essentiellement voire quasi exclusivement sur le capital humain, notamment dans les start-up œuvrant dans les secteurs des nouvelles technologies et de l’innovation. Cet accès au capital stabilise les forces vives de l’entreprise. Il faut vraiment associer le management-package à la stabilité de l’entreprise et la réussite du projet de développement qu’elle porte.

"Le management-package n’a pas pour objectif de donner à des actionnaires qui ont vocation à rester minoritaires des droits qui pourraient entraîner le blocage de l’entreprise"

Au-delà des éléments de nature financières, ces outils soulèvent-ils des questions concernant la gouvernance de l’entreprise ?

Dans ces entreprises où la création de valeur repose sur le capital humain, sa pérennité impose souvent à l’entreprise d’associer ses membres. Cette situation favorise la multiplicité des rôles de chacun d’entre eux : actionnaire, associé, manager voire même mandataire social et à ce titre représentant légal de l’entreprise vis-à-vis des tiers. Le cumul de différents rôles rend parfois illisible le processus de prise de décision et peut devenir source de potentiels conflits d’intérêts. Le management-package ne doit pas augmenter cette difficulté. Cet accès au capital doit surtout se limiter à l’accès à des droits financiers et non politiques. Le management-package n’a pas pour objectif de donner à des actionnaires qui ont vocation à rester minoritaires des droits qui pourraient entraîner le blocage de l’entreprise. Dans les LBO, la situation est plus simple. En présence d’un actionnaire financier majoritaire, il existe une plus forte distinction des rôles et donc moins de risque de conflits d’intérêts. Pour autant il convient de favoriser l’affectio societatis et le sentiment d’appartenance à ce « club ». Il s’agit de donner du sens à la qualité d’associés sans quoi si le management-package ne se résume qu’à des droits pécuniers il ne suffira pas à retenir les nouvelles générations en quête de sens.

Comment donner du sens aux managers, motiver les équipes à participer activement à la réalisation des projets de l’entreprise ?

Cela revient comme dit précédemment à s’interroger sur la qualité d’associé accordée à un collaborateur à travers le management-package et l’impact sur son sentiment d’appartenance dans la durée. Il ne s’agit pas non plus de tenter de le bloquer au-delà d’une certaine durée. Une telle tentative est le plus souvent vouée à l’échec. Nous ne mettons pas en place un management package ad vitam æternam. Retenir coûte que coûte ses managers n’est pas non plus la meilleure solution pour l’entreprise. Il faut donc fixer un horizon de liquidité à l’investissement capitalistique du collaborateur dans un contexte où l’entreprise n’a pas vocation nécessairement à être vendue dans ce même horizon. Même s’il est vrai que de plus en plus de startuppers créent leur société avec l’objectif de la revendre rapidement. Attention également à ne pas fixer un horizon trop lointain. Si l’horizon fixé est trop long, les collaborateurs ne s’engageront pas. En réalité, il s’agit de s’assurer de l’implication de ses managers dans un projet donné. En moyenne, la durée recommandée se situe entre trois et cinq ans. Il faut donc bien définir le projet pour être en mesure de dessiner les outils les plus pertinents et leur horizon.

"Si l’horizon fixé est trop long, les collaborateurs ne s’engageront pas"

La structuration des dispositifs permet-elle facilement le renouvellement du mécanisme ?

En l’absence de liquidité collective, ce n’est jamais évident. La loi Pacte n’a d’ailleurs pas été très généreuse sur ce thème. Cette loi avait cependant mis en lumière les questions concernant l’accès au capital des salariés. Nous sommes en droit de penser qu’elle aurait dû aller plus loin. On manque, en effet, toujours de souplesse.

Le risque de requalification en salaires des dispositifs de management package de la part de l’administration fiscale est-il toujours important ?

Bien sûr. En dehors des plans d’actionnariat salarié, les tentatives de requalification de l’administration fiscale des plus-values réalisées dans le cadre des management-packages en revenus professionnels, se poursuivent. Or, les seuls instruments pertinents dans notre contexte offerts par l’actionnariat salarié se limitent aux bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) qui permettent dans les jeunes entreprises de pallier la faiblesse des rémunérations, et aux plans d’attribution gratuite d’actions dont le recours est redevenu une alternative. Ces dispositifs sont également à manier avec précaution. Ils ne doivent pas faire l’objet d’un contournement. De plus, cet actionnariat salarié, gratuit par définition pour ses bénéficiaires ne permet pas d’associer les collaborateurs au risque de l’entreprise, élément indissociable d’un réel investissement capitalistique. Le risque financier participe à la motivation des managers en contrepartie, bien entendu d’une espérance de gain. On n’est donc plus dans la philosophie du management-package et de la qualité d’associé. Là encore la loi Pacte est décevante. Elle n’a pas par ailleurs ouvert la voie à des instruments d’accès au capital pour des populations larges de salariés. Les FCPE actuels restent très insuffisants tant leur mise en œuvre est complexe et peuvent s’avérer couteux pour les petites entreprises.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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