Eurazeo Growth, issu du rapprochement entre Eurazeo Croissance et Idinvest Growth, vient de conclure son premier investissement avec ManoMano. L’occasion d’interroger Yann du Rusquec sur la stratégie d’investissement du fonds et sur la montée en puissance des start-up européennes du digital.

Quel est le profil des sociétés dans lesquelles vous investissez ?

Je suis convaincu que des sociétés françaises et européennes vont atteindre des capitalisations boursières et des revenus très importants, à l’image de ce qui s’est passé aux États-Unis ou en Chine. Certaines entreprises digitales y ont connu une croissance explosive pour devenir les plus importantes capitalisations boursières mondiales. En Europe, de tels parcours– comme celui de Spotify ou de Farfetch – étaient jusqu’à présent plus rares mais ils le seront de moins en moins grâce à l’internationalisation et à la tendance de fond que constitue le digital. Notre objectif est de repérer et d’accompagner les start-up européennes qui ont l’ambition de devenir des leaders sur leur marché et qui ne se fixent pas de limites.

Vous visez donc les futures licornes européennes ?

Nous visons plus loin. Aujourd’hui, ce ne sont pas des sociétés valorisées un milliard qu’il faut créer en Europe mais plusieurs milliards. Nous investissons au moment où nous avons la conviction qu’elles sont capables de parvenir à cet objectif.

Pourquoi privilégier le secteur du digital ?

C’est un secteur qui autorise des taux de croissance très rapides, nécessite généralement moins d’investissements et permet aux entreprises de se développer très vite à l’international.

Être un fonds français est-il un avantage dans l’accompagnement de ces sociétés ?

Certainement. En ce moment, la principale problématique des entreprises du digital n’est pas de financer leur croissance – il y a beaucoup de liquidité dans tous les segments du private equity – mais de trouver le bon partenaire pour les accompagner. Pour une start-up, passer, en une poignée d’années, d’un chiffre d’affaires de quelques milliers d’euros à quelques centaines de millions d’euros ou de quelques salariés à plus de mille s’avère un exercice complexe. Pouvoir proposer un accompagnement et un dialogue, parfois au quotidien, constitue un avantage majeur. Cependant, la segmentation entre fonds américains et européens a de moins en moins de sens : certains fonds américains ont des équipes en Europe et Eurazeo dispose d’un bureau à New York. L’essentiel est d’avoir des équipes locales et de créer une relation de confiance avec les fondateurs.

Quelles sont les prochaines étapes pour Eurazeo Growth ?

Nous prévoyons une levée de fonds avec Eurazeo Growth 3 qui sera notre véhicule pour financer les entreprises entrant dans notre stratégie.

Quelles sont, selon vous, les prochaines licornes européennes ?

Nous avons plusieurs licornes potentielles en portefeuille. Pour les market places, outre ManoMano dont on a beaucoup parlé récemment, je pense par exemple à Back Market, une place de marché de produits électroniques reconditionnés. Nous avons aussi investi dans Younited Credit, la plus importante fintech française, dans Glovo, qui réalise une percée extraordinaire dans l’univers pourtant concurrentiel de la livraison, ou Vestiaire Collective, le site de seconde main dédié au luxe qui profite de l’engouement pour l’économie circulaire. L’autre segment porteur est celui des softwares as a service (SaaS) avec Doctolib, qui révolutionne la santé en France et en Allemagne et qui fait déjà partie des licornes françaises, ou encore avec Contentsquare, qui permet d’améliorer l’expérience clients sur Internet.

Propos recueillis par Cécile Chevré

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