Tati, Whirlpool ou encore GM&S... Aux annonces de plans sociaux de grande envergure répondent les promesses et les visites des candidats en campagne. Mais pour Nadine Levratto, économiste et directrice de recherche au CNRS, l'emballement médiatique se heurte à quelques données bien réelles.

Décideurs. Lors de leurs déplacements, de nombreux candidats ont affirmé être en mesure de sauver les emplois au sein des entreprises menacées par des plans sociaux. Quel est le réel pouvoir des hommes politiques en la matière ? 

 

Nadine Levratto. Il est évident que les politiques ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée. Ce n’est qu’un effet d’annonce, on reste dans le cadre verbal. Sur le fond, on ne peut pas en attendre beaucoup. Par ailleurs, tout est mis en œuvre afin d’autoriser ces licenciements. Il y a une extension des possibilités offertes aux entreprises pour procéder à des suppressions de postes, que ce soit de manière individuelle ou collective afin de garder une certaine compétitivité. Les entreprises s’inscrivent dans la plus stricte légalité.

 

Pourtant, à travers tous les changements qu’ils peuvent opérer dans les lois, les politiques ont un impact. Malheureusement, il semble qu’ils aient pris le parti de faciliter les licenciements. Aujourd’hui, on constate qu’il est beaucoup plus simple pour une entreprise de licencier des salariés qu’auparavant.

 

Pensez-vous que l’État français dispose des moyens suffisants pour les enrayer ? 

 

Oui, il dispose des outils pour pouvoir le faire. Cependant depuis trente ans, la piste empruntée par les pouvoirs publics repose sur l’hypothèse suivante : afin de créer des emplois, il faut autoriser les entreprises à interrompre la relation de travail de la manière la moins contraignante.  En ce sens, on se rapproche de la notion de flexibilité du travail.

 

« Les plans sociaux ne représentent qu’une infime partie des entrées au chômage »

 

Quelles solutions économiques devraient être mises en place afin d’éviter la multiplication des plans sociaux ?

 

Avant tout, ils doivent être conditionnés. En rétablissant les autorisations préalables, en édictant les règles de validité des plans sociaux. Mais le plus étonnant, c’est que les plans sociaux ne représentent qu’une infime partie des entrées au chômage, loin derrière les interruptions de contrat à durée indéterminée et les ruptures conventionnelles.

 

Pourquoi alors se concentrer uniquement sur les plans sociaux ?

 

C’est un peu comme l’électricité et le gaz ! Tous les ans, vous avez des milliers d’individus qui meurent électrocutés de manière isolée. Mais en présence d’une explosion de gaz, il y a plusieurs victimes en même temps. Pour le chômage, c’est exactement la même chose. On a constamment des personnes qui perdent leur emploi, mais cela reste dispersé, de l'ordre individuel. Les plans sociaux sont médiatisés car ils concernent un grand nombre de salariés en même temps qui vont se retrouver au chômage d’un coup.

 

Propos recueillis par Gatien Pierre-Charles

 

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