Les atouts de la médiation à l’heure de la reprise de l’activité économique
L’économie durablement impactée par la crise sanitaire
Alors que les États et les entreprises commencent à relever la tête du fait d’une meilleure maîtrise des contingences liées à la crise sanitaire – dont on ne sait toutefois pas quand elle se terminera –, son impact sur l’économie aura été particulièrement sévère avec, en 2020, une contraction du PIB mondial de l’ordre de 3,3 %. La reprise génère, pour sa part, de fortes tensions sur un appareil productif fortement désorganisé et confronté à des pénuries dans de nombreux domaines.
L’économie française n’est pas en reste. Selon l’INSEE, "en 2020, l’activité affiche un recul historique en France: le (…) PIB en euros constants diminue de 7,9 %, après +1,8 % en 2019 et +1,9 % en 2018. Ce recul est très largement consécutif à la crise sanitaire liée à la Covid-19: l’économie a été fortement perturbée par l’épidémie, tandis que les mesures visant à limiter sa propagation (confinements, couvre-feux, fermetures de commerces, etc.), prises à la fois en France et dans de nombreux pays étrangers, ont à leur tour ralenti l’activité. La baisse mesurée cette année est ainsi la plus importante dans l’histoire des comptes nationaux français, établis depuis 1949."
Si les mesures d’urgence d’aide aux entreprises et les plans de relance (100 milliards d’euros au niveau national, plus de 800 milliards d’euros au niveau européen) ont permis d’éviter la désintégration tant redoutée du tissu économique et l’explosion corrélative du taux de chômage et que l’horizon économique s’éclaircit (prévision de croissance de l’ordre de 6,7 % en France en 2021), la crise n’est pas résolue pour autant et continue de peser sur les acteurs économiques, particulièrement anxieux face à l’avenir.
Maîtriser le coût du conflit pour une allocation optimisée des ressources des entreprises
Évoluant dans un monde en pleine mutation et à l’imprévisibilité accrue, les entreprises sont, plus que jamais, dans l’obligation de privilégier le financement de leur développement et la structuration de réseaux performants de partenaires à tous les niveaux (production, distribution, vente) pour rebondir et faire face aux défis de cette nouvelle ère.
Dans un tel contexte de rationalisation des coûts et de repositionnement sur leurs marchés, elles doivent optimiser l’allocation de leurs ressources et ne peuvent échapper à une réflexion sur la façon dont elles entendent gérer leur contentieux pour, lorsque cela est possible et/ou souhaitable, privilégier une approche collaborative pour en sortir rapidement, par le haut et à moindre coût.
"Le conflit n’est pas nécessairement synonyme de destruction de valeur"
Vu de l’entreprise, le coût du conflit s’articule diversement :
- Au plan interne: (i) mobilisation et/ou désorganisation des équipes (juridiques, techniques, commerciales…) au détriment d’autres priorités, (ii) rémunération des prestataires sollicités pour le procès et postérieurement à celui-ci (auxiliaires de justice, experts, personnel support), (iii) outre le coût financier d’une éventuelle condamnation.
- Au plan externe: préjudice d’image et de réputation, perte de savoir-faire, divulgation d’informations confidentielles, débauchage d’équipes, pertes d’opportunités commerciales et autres, message négatif adressé au marché (…), la liste est longue. Un tel coût a par ailleurs vocation à s’accroître au fur et à mesure que durera le conflit et qu’il se figera au plan judiciaire/ arbitral du fait de procédures longues (plusieurs années) et aléatoires. L’exécution des décisions, notamment au plan international, est elle-même ardue, qu’il s’agisse des délais et des aléas sur le recouvrement proprement dit des créances (disparition des débiteurs – liquidation, rachat –, organisation frauduleuse d’insolvabilité et/ou de dissimulation d’actifs…). Au niveau macroéconomique, et en prenant l’exemple du cas français, il a été estimé que le coût global des conflits inter-entreprises s’élève à 50 milliards d’euros (environ 2 % du PIB) [1]. Ce qui est considérable et témoigne de la nécessité de réenvisager la façon dont le conflit est appréhendé et géré, du point de vue de son coût bien sûr mais également des opportunités qu’il peut révéler, pour qui tente d’en comprendre les causes et les dynamiques sous-jacentes.
La médiation comme révélateur de la dimension positive du conflit
Car le conflit n’est pas nécessairement synonyme de destruction de valeur ce, pour opérer aussi comme un précieux révélateur des dysfonctionnements affectant les interactions humaines et économiques, dont la perturbation est souvent liée à des incompréhensions et/ou une asymétrie d’informations entre ses protagonistes, autrement dit à une communication déficiente – elle-même favorisée par la généralisation de processus de décision souvent rigides.
D’un point de vue économique, le conflit s’analyse comme l’échec de la coopération naturelle entre agents du fait de la perte de la confiance ayant existé entre eux. L’on comprend alors l’intérêt de disposer d’outils à même de restaurer une telle confiance, passant par l’instauration d’un canal de communication de qualité, c’est-à-dire une communication directe et fluide motivée par le souci de parvenir rapidement à une solution rationnelle et cohérente – "gagnant-gagnant" – reflétant les besoins, capacités et contraintes de chaque partie.
C’est précisément là où les modes amiables de résolution des litiges (Marl) – et notamment la médiation [2] – prennent tout leur sens. À rebours donc de la logique judiciaire et arbitrale, procédant d’une réécriture du conflit à leur avantage par les parties via l’accumulation et l’association d’arguments factuels (souvent déformés et parfois faux) et juridiques, pour permettre au juge d’en forger l’épilogue en faisant application de la règle de droit.
Plutôt que de s’en remettre à la décision d’un tiers pour savoir qui a raison et qui a tort, il est en définitive plus rationnel de s’interroger sur la façon de résoudre le problème auquel on est confronté en se posant les bonnes questions: de quoi parle-t-on? D’où provient la difficulté ayant dégénéré en conflit ? Quelles sont les options dont les parties disposent pour résoudre le problème ? Et éviter qu’il se reproduise ? Comment apprendre des difficultés révélées par le conflit pour aller de l’avant ?
"Dans un contexte de rationalisation des coûts et de repositionnement sur leurs marchés, les entreprises doivent optimiser l’allocation de leurs ressources"
Telles sont les questions que tout un chacun – et notamment les entreprises – doit se poser pour choisir la meilleure façon de dénouer un différend.
Prônant une vision régénérée et positive du conflit, la médiation constitue une alternative précieuse aux procédures afin de restaurer une confiance dont la nécessité se trouve encore renforcée dans un monde toujours plus changeant et incertain. Si la médiation ne se prête pas à tous les dossiers, l’expérience montre que c’est le cas pour nombre d’entre eux, les parties en médiation parvenant à un accord dans plus de 60 % de leurs litiges – tous secteurs d’activité confondus – selon les dernières statistiques du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP).
[1] En ce sens : https://www.latribune.fr/actualites/economie/ france/20120103trib000675191/le-cout-des-conflits-entre-entreprises-est-estime-a-50-milliards-d-euros.html
[2] Couvrant la quasi-totalité du spectre juridique – droit commercial et économique, droit du travail, droit public (…) –, la médiation est un processus confidentiel intervenant en dehors d’un procès (judiciaire ou arbitral) ou en marge de celui-ci, tendant à la résolution amiable d’un différend entre des parties (personnes morales privées et publiques, particuliers…) avec l’aide d’un tiers neutre, indépendant et impartial appelé médiateur. La mission du médiateur, choisi par les parties, est de les accompagner dans la restauration d’un dialogue de qualité pour leur permettre de solutionner leur litige envisagé dans sa globalité.
LES POINTS CLÉS
- • Fortement impactées par une double crise économique et sanitaire qui se prolonge, les entreprises doivent faire un usage parcimonieux de leurs ressources et se concentrer sur leur cœur de métier
- Le conflit – aux plans micro- et macroéconomique – est coûteux à de nombreux titres et il est essentiel d’en comprendre les causes pour le résoudre de façon optimale
- Le recours aux modes amiables, et notamment la médiation, permet, par une communication de qualité entre les parties, de sortir par le haut et à moindre coût du conflit en rétablissant la confiance
- • La médiation contribue, plus largement, à la fluidification des rapports entre les acteurs économiques et constitue un atout en cette période de reprise de la croissance
SUR L'AUTEUR
Avocat au barreau de Paris, David Lutran est également médiateur (agréé CMAP, certifié IFCM et IMI, référencé CNMA et inscrit sur la liste des Médiateurs de la cour d’appel de Paris). Il intervient comme médiateur (médiations conventionnelles et judiciaires) dans des dossiers commerciaux, successoraux, de conflits d’associés et immobiliers pouvant impliquer des parties de nationalités différentes. Il enseigne la médiation dans plusieurs universités et y consacre régulièrement des conférences, en France et à l’international.