Autrefois explorés par les investisseurs les plus téméraires, les marchés émergents sont aujourd’hui incontournables. C’est en tout cas le message d’Alexandre Attal, directeur de la gestion Multi-Assets France, Russell Investments France, qui nous précise les raisons de cet engouement.

Décideurs. Pourquoi investir sur les marchés émergents aujourd'hui ?

Alexandre Attal. Plusieurs facteurs plaident aujourd’hui en faveur d’une allocation sur les marchés émergents. C’est tout d’abord un terrain de jeu très vaste, qui correspond peu ou prou à toutes les zones géographiques, exceptés les États-Unis et le Canada, l’Europe, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Les pays émergents participent davantage à la croissance mondiale et aux échanges internationaux, et forment un réservoir de développement mécaniquement plus élevé, avec une démographie plus forte. Il ne faut pas oublier par ailleurs que le poids des cinq principaux pays émergents - la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud - dans l’économie globale ne cesse de croître. Leur contribution au PIB mondial est passé de 10 % il y a une vingtaine d’années à près de 30 % aujourd’hui. L’intérêt premier est donc lié à leurs caractéristiques intrinsèques.

"Le poids des cinq principaux pays émergents dans l’économie globale ne cesse de croître"

Nous retrouvons également une logique de diversification du point de vue de l’investisseur occidental, qui se retrouve souvent surpondéré sur son marché domestique. Les marchés émergents constituent alors un moteur de croissance pour ses portefeuilles. D’un point de vue purement financier, les marchés émergents présentent des valorisations attractives, en comparaison aux marchés développés. Enfin, nous assistons à l’émergence forte de la deuxième puissance économique mondiale qu’est la Chine, avec des ambitions affichées de prendre la première place.

Quelles zones géographiques vous paraissent particulièrement attrayantes aujourd’hui ?

La dynamique globale de croissance mondiale post-Covid est positive avec la réouverture des économies et le rattrapage de consommation. Les pays émergents sont partie prenante de cette forte phase de reprise de la croissance mondiale. Il est incontournable, aujourd’hui, d’être exposé sur les émergents dans une optique de diversification d’une allocation géographique globale.

"Il est incontournable, aujourd’hui, d’être exposé sur les pays émergents dans une optique de diversification d’une allocation géographique globale"

Cela étant dit, à court terme, la Chine présente des risques du fait d’un léger ralentissement économique et d’une présence forte de l’État sur la régulation de plusieurs pans de l’économie. Nous sommes par conséquent sous-pondérés sur le marché chinois continental au niveau tactique, mais convaincus de son potentiel à moyen terme. En revanche, nous restons surpondérés sur des pays en capacité de profiter de la poursuite de la reprise de la croissance mondiale et du rebond des matières premières, tels que la Russie, le Brésil ou le Mexique.

Quels secteurs vous semblent porteurs ?

Tout d’abord, il est important de rappeler que les pays émergents restent dépendants de l’activité économique mondiale. Aussi, les secteurs qui permettront de profiter de la reprise de l’activité mondiale sont à privilégier.  Mais au-delà, nous observons une dynamique forte des valeurs Fintech et e-commerce, en lien avec le développement économique et l’émergence progressive d’une classe moyenne. En absolu, les technologies de l’information représentent le premier secteur du fonds Russell Investments Emerging Markets Equity Fund. Elles sont suivies par le secteur bancaire et financier.

Quelle est votre point de vue sur le marché actions de la Chine justement, où les décisions réglementaires peuvent être violentes et inopinées ?

C’est une zone géographique où, comme souvent avec les pays émergents, des risques politiques existent. La mainmise du gouvernement chinois sur la régulation de plusieurs secteurs est un facteur à prendre en compte. Il faut par conséquent être vigilant et sélectif. Il ne s’agit pas d’écarter les risques mais de les pondérer, c’est tout l’intérêt d’une gestion active. Notre processus d’investissement est axé autour de trois thèmes : l’analyse du cycle économique, les valorisations et le sentiment de marché. Certaines décisions récentes en Chine ont effectivement pu avoir une incidence sur la psychologie des investisseurs, qu’il faut nécessairement prendre en compte. Cela peut générer des vagues d’inquiétude, apporter des épisodes de volatilité sur les marchés financiers mais également être source d’opportunités dans le cadre d’un investissement sur un horizon moyen-long terme.

Quelles solutions proposez-vous sur les marchés émergents ?

Le fonds Emerging Markets Equity Fund développe une approche globale sur les marchés émergents, de sorte à s’exposer aux différents facteurs de croissance. En effet, les pays d’Amérique latine ou la Russie apportent majoritairement une allocation sur les secteurs des matières premières, tandis que la Chine ou l’Inde permettent davantage de capturer l’essor des échanges internationaux. On ne peut s’affranchir des marchés émergents pour les raisons évoquées plus haut.

"Au sein même de la Chine se distinguent plusieurs marchés boursiers, avec de fortes spécificités"

Nous avons également un fonds spécifiquement investi sur les actions chinoises, le Russell Investments China Equity Fund. Il est important de préciser qu’au sein même de la Chine se distinguent plusieurs marchés boursiers, avec de fortes spécificités. Les entreprises chinoises cotées à Hongkong, valeurs dites « H », sont historiquement accessibles aux investisseurs internationaux. Les actions continentales, cotées à Shanghai ou Shenzhen, sont liées à l’essor de la croissance domestique chinoise. Notre fonds permet ainsi de profiter de l’ensemble des places boursières chinoises et donc des relais de croissance de ces marchés. Notons aussi que le marché chinois continental maintient une plus faible corrélation avec les autres zones émergentes et les marchés internationaux. C’est là un intérêt supplémentaire de diversification de portefeuille.

Enfin, que ce soit dans le fonds Actions émergentes globales ou dans le fonds Actions chinoises, nous adoptons une méthodologie en architecture ouverte, avec l’appui d’experts locaux ayant une approche très sélective de leurs marchés. Nos fonds combinent ainsi plusieurs stratégies de gestion à travers la sélection de gérants externes.

Comment abordez-vous l'investissement responsable sur les marchés émergents ?

Dans notre processus de sélection des gérants, la grille d'analyse inclut des critères extra-financiers pour juger du processus d’investissement implémenté, afin de s’assurer que, dans la démarche de construction de portefeuille, ces éléments qualitatifs soient pris en compte. Les données ESG sont néanmoins plus rares sur les marchés émergents. Nous travaillons ainsi en partenariat avec Sustainalytics sur ce sujet. Finalement, le portefeuille constitué prend en compte les risques extra-financiers qui peuvent peser sur les émetteurs, au travers d’une exposition sur les gérants qui ont une plus grande propension à intégrer la dimension ESG dans leur processus d’investissement.

Le mot de la fin ?

Les marchés émergents présentent une attractivité et des opportunités auxquelles il faut s’exposer afin de profiter des relais de croissance qu’ils offrent. Un investisseur ne peut plus avoir une approche purement domestique ou centrée sur une seule zone. Cela passe nécessairement par une diversification sur les actions émergentes qui doivent faire partie désormais d’une allocation globale. Selon son profil de risque, il peut vouloir affiner sa cible et s’exposer spécifiquement à certains pays comme la Chine qui reste la locomotive des marchés émergents. Il persiste toutefois un risque inhérent à ces zones géographiques, plus élevé que sur les marchés développés, donc privilégions la diversification, notamment en matière de stratégies et de gérants.

Propos recueillis par Marc Munier

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