Le monde semblait avoir oublié que derrière la data et le cloud se cachent toujours une réalité matérielle : l’incendie du datacenter d’OVH à Strasbourg le 10 mars 2021 l’a cruellement rappelé. Retour sur les faits et analyse juridique.

Le 10 mars. Une date qu’un grand nombre de chefs d’entreprise garderont en mémoire. En ouvrant leurs ordinateurs ce jour là, ces derniers s’apercevront que le fruit de mois, voire d’années de travail venait de partir en fumée suite à la destruction, par l’incendie du datacenter, de leurs données qui y étaient sauvegardées.

Désemparées, ces entreprises ont dû faire face avec les moyens du bord, en remontant à la hâte des matrices de codes, ou encore en tentant de reconstituer leurs fichiers clients, renonçant bien souvent à agir en indemnisation, par crainte notamment des coûts et de l’incertitude d’un procès contre une multinationale au demeurant bientôt cotée en bourse. Pourtant, juridiquement, les contours d’une action judiciaire ne sont pas si complexes qu’ils n’y paraissent. En effet, aussi moderne et original soit-il, le contrat dit de cloud computing, en ce qu’il implique la remise à un tiers d’une chose pour être gardée, ne constitue rien d’autre qu’une variété de contrat de dépôt, forme juridique déjà connue du droit romain pendant l’Antiquité. Or, en matière de contrat de dépôt, il est acquis que le dépositaire est responsable de plein droit de la destruction de la chose remise, sauf force majeure : autrement dit, ce ne sont donc pas aux victimes de prouver qu’OVH a commis une faute, mais bien à OVH de prouver que la survenance de l’incendie était un évènement de force majeure, c’est à dire à la fois imprévisible et irrésistible. A cet égard, la position d’OVH apparait néanmoins d’ores et déjà compromise dans la mesure où le risque d’incendie n’était certainement pas imprévisible dans un lieu tel qu’un data-center, nécessairement exposé à des hautes températures du fait des installations électriques, et que, au regard des premiers éléments communiqués, toutes les mesures de sécurité ne semblaient pas avoir été mises en oeuvre.

Autre conséquence importante : en vertu des règles protectrices du Code civil, puisque l’obligation essentielle d’OVH réside dans la conservation des données dont elle a la garde, OVH ne pourra se prévaloir des clauses limitatives de responsabilité contenues dans ses CGV pour limiter le droit au remboursement des victimes. Au global, les victimes pourraient ainsi solliciter la réparation de leur entier préjudice, qui peut aller de pertes d’exploitation, au préjudice moral, ou même la réparation de la perte de l’entier fonds de commerce (on pense notamment aux entreprises du e-commerce ayant perdu l’intégralité de leur site internet). Finalement, pour les victimes de l’incendie, l’avenir ne s’annonce donc peut-être pas si nuageux…

A propos de l’IGEJ : l’IGEJ (Institut de Guerre Économique et Juridique) a pour objectif d’aider les petites entreprises à se défendre face à la situation quasi-monopolistique de multinationales comme Uber, OVH, Apple et bien d’autres. Des actions de “guerre économique” que l'association mène à bien grâce à son vaste réseau d'avocats, de professeurs de droit, d’experts des relations publiques et de financiers. Une approche contentieuse globale et offensive directement inspirée de la culture anglo-saxonne.

Étienne Feildel

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