A. Viard (PGA) : "C’est le moment de préparer la transmission"
Décideurs. Dans quel contexte votre arrivée au sein du cabinet PGA s’est-elle déroulée ?
Arnaud Viard. Le mouvement s’est décidé au sein de l’équipe fiscale fin 2019. Le choix de PGA n’est pas tant lié à l’affect mais s’est construit autour de la qualité de la pratique private equity du cabinet et de son besoin d’assistance fiscale. Le rapprochement de nos deux équipes, qui partagent le même esprit d’entreprise, répond à leurs besoins respectifs de compétences fiscales pour soutenir le corporate, et inversement. Ce dont l’explosion du nombre d’opérations en 2020 atteste.
Pauline Corouge. Arnaud a inclus les trois autres membres de l’équipe dans le processus de décision. La rencontre avec les équipes de PGA en amont s’est bien passée et les relations humaines se sont nouées facilement. Les associés partagent les mêmes valeurs, aussi bien vis-à-vis des clients qu’entre avocats, et le fait de travailler de la même manière a facilité notre arrivée.
Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui votre pratique fiscale au sein du cabinet ?
P. C. L’équipe propose un large éventail de savoir-faire en matière de fiscalité, du patrimonial au transactionnel, tant en contentieux qu’en conseil. Cela nous permet de développer des compétences dans l’ensemble des domaines en la matière et de répondre à toutes les problématiques de nos clients. La marque de fabrique d’Arnaud consiste d’ailleurs à anticiper leurs besoins et à trouver des solutions cohérentes et efficaces, car la réactivité est particulièrement cruciale en fiscalité. Si chaque membre de l’équipe est à même de travailler sur tous les sujets fiscaux, chacun se distingue par une expertise particulière. Un petit plus que nous cultivons.
"L’activité juridictionnelle a été complètement repensée"
A. V. Aujourd’hui, nous conseillons des entreprises, mais surtout leurs dirigeants et fondateurs. Notre vision consiste à conseiller un dirigeant sur des problématiques de gestion d’entreprise, de l’intégration fiscale à la structuration des opérations de croissance externe, puis sur la réorganisation de son patrimoine professionnel en vue d’une transmission ou d’une cession. D’où l’intérêt de se rapprocher d’une équipe M&A.
Sur quelles missions marquantes êtes-vous intervenus ?
P. C. Nous avons lié des liens humains très forts avec nos clients, en particulier sur le dossier Mesotrans. Nous avons accompagné la soixantaine de cadres clés lors d’un MBO bis impulsé par le fondateur qui souhaite inclure davantage les managers dans la prise de valeur future du groupe.
A. V. La particularité de ce dossier réside dans le fait que le groupe a réalisé de nombreuses opérations de croissance externe, au cours desquelles les cédants entraient au capital de Mesotrans. Notre rôle consistait à optimiser toutes les situations personnelles. Nous avons donc géré la partie fiscale, la mise en place des PEA, des plans d’AGA ou encore les promesses de good ou bad leaver. Ce type d’opération démontre notre capacité d’accompagnement du dirigeant, sur les aspects corporate comme fiscaux.
P. C. Nous avons également réalisé l’accompagnement fiscal du dossier AeroTech Pro, plus classique, et avons conseillé deux managers dans le dossier Wendel.
"L’administration fiscale oriente davantage ses contrôles sur les particuliers que les entreprises"
Le traitement des dossiers a-t-il évolué au niveau de l’administration fiscale ?
P. C. Depuis le coup d’arrêt net des contrôles lors du premier confinement, l’activité juridictionnelle a été complètement repensée. Ce qui est bénéfique dans l’absolu. Depuis sa reprise en septembre 2020, le constat est que l’administration fiscale oriente ses contrôles davantage sur les particuliers, de façon générale en matière d’impôt sur le revenu, d’impôt sur la fortune immobilière ou encore de donations et de successions, mais aussi de façon plus spécifique concernant les reports et sursis d’imposition que l’on rencontre classiquement dans les opérations d’apport. Elle considère que les entreprises ont été très affectées – et le sont encore – par la crise sanitaire et essaie donc de les préserver le plus possible.
A. V. La différence de traitement est nette. Aujourd’hui, la rétention de contrôle sur les entreprises laisse la place à ceux des particuliers, notamment sur des problématiques de résidence fiscale, dont les conditions n’ont pas forcément été respectées du fait du Covid. Les cadres supérieurs ou les dirigeants ont moins subi la crise que leurs entreprises. Mais il ne fait aucun doute que les contrôles reviendront sur les sociétés, notamment sur les différentes mesures de soutien gouvernementales.
La crise sanitaire a-t-elle fait naître de nouvelles demandes de la part de vos clients ?
A. V. De nombreuses demandes relevaient de la structuration nécessaire des actifs professionnels de nos clients qui, avec le Covid, ont découvert l’incertitude de la vie. Le pendant de la dégradation économique de cette crise sanitaire, c’est aussi celle des niveaux de valorisation dans certains domaines. C’est ainsi le moment opportun de préparer la transmission aux générations suivantes, car la baisse des valorisations n’est pas immuable. Sur des sujets comme celui-ci, nous devons être moteurs dans la préconisation.
Par ailleurs, la loi de Finances 2021 permet la neutralisation des effets de la réévaluation libre des actifs, jusqu’à présent fiscalisée immédiatement, sur une durée de cinq à quinze ans, voire, pour des biens non amortissables, par l’intermédiaire d’un sursis d’imposition. Ces opportunités concernent la holding qui souhaite renforcer ses capitaux propres sans imposition, par des lignes de titres d’actifs non amortissables, mais aussi les sociétés dont la capitalisation a souffert de la crise. Pour celles-ci, réévaluer les actifs leur permettra d’afficher des capitaux propres suffisants pour conserver des financements dans le cadre de leur croissance externe ou interne. Les entreprises doivent profiter de cette opportunité fiscale.
"La réactivité est particulièrement cruciale en fiscalité"
Quels autres conseils spécifiques pouvez-vous apporter aux entreprises affectées par la crise ?
P. C. Dans le même sens, les entreprises peuvent imputer la totalité des déficits constatés au titre de l’exercice 2020, et même 2021 pour certaines sociétés en fonction de leur date de clôture, et liés à la crise sanitaire, aux bénéfices éventuels des trois années antérieures. Cette mesure est issue de la première loi de finances rectificative pour 2021 et il n’est pas impossible qu’elle soit étendue jusqu’à l’année prochaine. Ce dispositif permet de générer du cash rapidement et vise notamment à soutenir des secteurs florissants avant la pandémie, comme l’hôtellerie-restau-ration ou le tourisme, qui affichaient de gros résultats jusqu’à l’arrêt total et forcé de leur activité.
Que change la récente jurisprudence en matière de management package ?
A. V. Il est de plus en plus complexe de mettre en place des management packages, car l’incertitude pour satisfaire les critères de l’administration fiscale est réelle. Il faut tendre vers des solutions balisées, comme des actions gratuites de préférence avec un pricing incontestable, coûteuses pour l’entreprise mais qui sécurisent le manager. Les produits de sweet equity risquent d’être remis en cause et les management packages commencent à être critiqués par la jurisprudence.
P. C. D’ailleurs, c’est à se demander si la position de la jurisprudence, très alignée sur celle de l’administration fiscale, n’a pas pour but d’effrayer plutôt que de punir, avec un couperet brutal et violent, notamment d’un point de vue financier, en cas de mauvaise valorisation. Une posture non seulement discutable, mais surtout problématique pour les opérations en cours. Le manque de recul inquiète, tant sur la manière dont cette jurisprudence pourra être invoquée par l’administration qu’en termes de conseil pour nos clients. La survie et le futur des management packages est très incertain.