Michel Pinault, président de la commission des sanctions de l'AMF depuis janvier dernier, revient sur les objectifs de son mandat.
Michel Pinault (AMF) : «Les sanctions disciplinaires constituent un levier très efficace de préventi
Décideurs. Vous êtes arrivé à la tête de la commission des sanctions de l’Autorité en janvier. Quels sont les objectifs de votre mandat ?
Michel Pinault. Je souhaite mener à bien et de manière efficace et utile les missions que le législateur a assignées à la commission tout en maintenant le cap défini par Claude Nocquet à qui je succède. Les décisions que nous rendons doivent naturellement être solides juridiquement pour résister aux recours de plus en plus nombreux introduits par les mis en cause devant les juridictions qui nous contrôlent et pour faire jurisprudence. À ce titre, nous poursuivons notre travail de pédagogie pour expliciter nos décisions, les motiver de façon complète sans tomber pour autant dans un excès de prolixité. Nos décisions sont plus longues mais je ne le regrette pas. Le raisonnement juridique en est plus clair et les sanctions sont d’autant mieux comprises par le mis en cause, le public et le marché. Il y va de la visibilité de l’action de l’AMF et de son autorité.
Décideurs. De quels outils disposez-vous pour expliquer les décisions de la commission ?
M.?P. Les décisions rendues sont publiques par principe. Le législateur l’a voulu ainsi. Cette publicité est l’un des principaux outils de pédagogie dont nous disposons. Le recueil des principes directeurs issus de la jurisprudence de la commission des sanctions et des juridictions de recours, que nous publions chaque année, permet à chacun d’appréhender l’ensemble des décisions rendues en matière financière. Le travail de pédagogie passe aussi par nos colloques et la journée des RCCI/RCSI qui regroupe les responsables conformité des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion. Il s’agit de revenir sur la jurisprudence de l’année pour l’expliquer à ceux qui l’appliquent au quotidien.
Décideurs. Quelle est l’efficacité des sanctions disciplinaires ?
M.?P. Les sanctions disciplinaires constituent un levier très efficace de prévention ! Leur prononcé est fréquent et souvent sévère. L’exemple de l’interdiction d’exercer est frappant. Le caractère public des décisions, et donc des éventuelles sanctions disciplinaires qu’elles contiennent, a un fort effet d’exemplarité et de réputation. La multiplication des demandes d’anonymisation des décisions par les personnes concernées en est la preuve. Mais en l’état de la législation, il nous est impossible d’y faire droit. L’instauration d’un «?droit à l’oubli?» requerrait une réforme législative. Claude Nocquet avait formulé, au cours de son mandat, des propositions à ce propos et j’y adhère pleinement.
Décideurs. Depuis que le législateur a augmenté le plafond du montant des sanctions pécuniaires, les amendes records se multiplient. Faut-il y voir une volonté de marquer les esprits ?
M.?P. La loi du 22?octobre 2010 a fait passer le plafond des sanctions de dix à cent millions d’euros. Ce faisant, le législateur nous invite à prononcer, le cas échéant, des peines plus lourdes. Cette nouveauté a forcément un effet dissuasif. Elle nous oblige également à toujours plus de précision quant aux critères et éléments de fait retenus pour évaluer le montant de la sanction. La commission des sanctions est totalement indépendante pour ce faire, du moment qu’elle respecte les dispositions légales applicables. La récente affaire Elliott en est un exemple. Alors que le collège requérait une sanction de quarante millions d’euros, nous n’avons retenu qu’un montant de seize millions car une partie des griefs, dont celui de manipulation de cours, n’a pas été retenue. La commission des sanctions doit, en toute objectivité, utiliser les possibilités offertes par la loi pour prononcer une sanction juste, proportionnée à la gravité des manquements constatés et prenant en compte les spécificités de chaque espèce. Nous ne sommes pas, cela est clair pour tout le monde, une simple chambre d’enregistrement des réquisitions du collège.
Décideurs. Certaines voix s’élèvent régulièrement contre le système d’enquête de l’AMF. Que leur répondez-vous ?
M.?P. La procédure menée devant la commission des sanctions respecte indiscutablement le principe du contradictoire. Elle est conforme aux exigences du procès équitable posées par la Convention européenne des droits de l’homme. Les critiques, articulées devant nous, visent souvent l’administration de la preuve au cours de l’enquête. Or, l’enquête ne fige nullement les preuves : chacun est libre - pendant la phase d’instruction conduite par le rapporteur et jusqu’au jour de la séance - de verser aux débats certains éléments ou documents qui ne figureraient pas encore dans le dossier. La commission n’est pas une juridiction mais elle y ressemble. Elle se doit d’être exemplaire et de respecter les droits de la défense pour éviter de voir ses décisions censurées par la cour d’appel de Paris ou le Conseil d’État.
Décideurs. Dans un contexte de fusion des autorités de régulation, un rapprochement de l’AMF et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vous apparaît-il souhaitable ?
M.?P. Une telle décision relève du pouvoir souverain du législateur. À titre personnel, je ne pense pas qu’un tel rapprochement soit souhaitable. Les deux autorités ont des fonctions trop différentes et interviennent dans des secteurs d’activité déjà très vastes. L’ACPR traite des aspects prudentiels, notamment des procédures de contrôle et de conformité interne, au sein des banques et des acteurs du secteur de l’assurance. Le champ d’intervention de l’AMF va au-delà des aspects prudentiels et disciplinaires et conduit à s’intéresser au comportement aussi bien de personnes morales que des personnes physiques, parfois même non professionnelles. Compte tenu de la nature des manquements qu’elle peut sanctionner, l’aspect quasi pénal est bien plus fort au sein de l’AMF. Je pense que chercher à améliorer le système de fonctionnement de chacun doit être la vraie priorité.
Décideurs. Justement, sur quelles pistes d’amélioration travaillez-vous ?
M.?P. Le signe d’une institution qui fonctionne bien est sa capacité à réfléchir en permanence à son mode de fonctionnement. Dans la droite ligne de l’action de Claude Nocquet, j’entends œuvrer au renforcement des règles applicables pour répondre aux besoins de la régulation et du marché. Cela passe, d’une part, par la formulation de propositions de réformes au législateur. C’est par exemple le cas de la réflexion que nous avons menée sur l’instauration d’une procédure de relèvement des sanctions prononcées par la commission. Ce mécanisme existe en droit pénal mais pas devant l’AMF. Nous avons donc réfléchi aux conditions de son éventuelle mise en place pour ensuite laisser trancher le Parlement. D’autre part, je souhaiterais développer les rencontres avec nos homologues européens afin d’échanger et de débattre sur les sujets touchant les sanctions et, plus généralement, la régulation en matière de marchés financiers.
Michel Pinault. Je souhaite mener à bien et de manière efficace et utile les missions que le législateur a assignées à la commission tout en maintenant le cap défini par Claude Nocquet à qui je succède. Les décisions que nous rendons doivent naturellement être solides juridiquement pour résister aux recours de plus en plus nombreux introduits par les mis en cause devant les juridictions qui nous contrôlent et pour faire jurisprudence. À ce titre, nous poursuivons notre travail de pédagogie pour expliciter nos décisions, les motiver de façon complète sans tomber pour autant dans un excès de prolixité. Nos décisions sont plus longues mais je ne le regrette pas. Le raisonnement juridique en est plus clair et les sanctions sont d’autant mieux comprises par le mis en cause, le public et le marché. Il y va de la visibilité de l’action de l’AMF et de son autorité.
Décideurs. De quels outils disposez-vous pour expliquer les décisions de la commission ?
M.?P. Les décisions rendues sont publiques par principe. Le législateur l’a voulu ainsi. Cette publicité est l’un des principaux outils de pédagogie dont nous disposons. Le recueil des principes directeurs issus de la jurisprudence de la commission des sanctions et des juridictions de recours, que nous publions chaque année, permet à chacun d’appréhender l’ensemble des décisions rendues en matière financière. Le travail de pédagogie passe aussi par nos colloques et la journée des RCCI/RCSI qui regroupe les responsables conformité des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion. Il s’agit de revenir sur la jurisprudence de l’année pour l’expliquer à ceux qui l’appliquent au quotidien.
Décideurs. Quelle est l’efficacité des sanctions disciplinaires ?
M.?P. Les sanctions disciplinaires constituent un levier très efficace de prévention ! Leur prononcé est fréquent et souvent sévère. L’exemple de l’interdiction d’exercer est frappant. Le caractère public des décisions, et donc des éventuelles sanctions disciplinaires qu’elles contiennent, a un fort effet d’exemplarité et de réputation. La multiplication des demandes d’anonymisation des décisions par les personnes concernées en est la preuve. Mais en l’état de la législation, il nous est impossible d’y faire droit. L’instauration d’un «?droit à l’oubli?» requerrait une réforme législative. Claude Nocquet avait formulé, au cours de son mandat, des propositions à ce propos et j’y adhère pleinement.
Décideurs. Depuis que le législateur a augmenté le plafond du montant des sanctions pécuniaires, les amendes records se multiplient. Faut-il y voir une volonté de marquer les esprits ?
M.?P. La loi du 22?octobre 2010 a fait passer le plafond des sanctions de dix à cent millions d’euros. Ce faisant, le législateur nous invite à prononcer, le cas échéant, des peines plus lourdes. Cette nouveauté a forcément un effet dissuasif. Elle nous oblige également à toujours plus de précision quant aux critères et éléments de fait retenus pour évaluer le montant de la sanction. La commission des sanctions est totalement indépendante pour ce faire, du moment qu’elle respecte les dispositions légales applicables. La récente affaire Elliott en est un exemple. Alors que le collège requérait une sanction de quarante millions d’euros, nous n’avons retenu qu’un montant de seize millions car une partie des griefs, dont celui de manipulation de cours, n’a pas été retenue. La commission des sanctions doit, en toute objectivité, utiliser les possibilités offertes par la loi pour prononcer une sanction juste, proportionnée à la gravité des manquements constatés et prenant en compte les spécificités de chaque espèce. Nous ne sommes pas, cela est clair pour tout le monde, une simple chambre d’enregistrement des réquisitions du collège.
Décideurs. Certaines voix s’élèvent régulièrement contre le système d’enquête de l’AMF. Que leur répondez-vous ?
M.?P. La procédure menée devant la commission des sanctions respecte indiscutablement le principe du contradictoire. Elle est conforme aux exigences du procès équitable posées par la Convention européenne des droits de l’homme. Les critiques, articulées devant nous, visent souvent l’administration de la preuve au cours de l’enquête. Or, l’enquête ne fige nullement les preuves : chacun est libre - pendant la phase d’instruction conduite par le rapporteur et jusqu’au jour de la séance - de verser aux débats certains éléments ou documents qui ne figureraient pas encore dans le dossier. La commission n’est pas une juridiction mais elle y ressemble. Elle se doit d’être exemplaire et de respecter les droits de la défense pour éviter de voir ses décisions censurées par la cour d’appel de Paris ou le Conseil d’État.
Décideurs. Dans un contexte de fusion des autorités de régulation, un rapprochement de l’AMF et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vous apparaît-il souhaitable ?
M.?P. Une telle décision relève du pouvoir souverain du législateur. À titre personnel, je ne pense pas qu’un tel rapprochement soit souhaitable. Les deux autorités ont des fonctions trop différentes et interviennent dans des secteurs d’activité déjà très vastes. L’ACPR traite des aspects prudentiels, notamment des procédures de contrôle et de conformité interne, au sein des banques et des acteurs du secteur de l’assurance. Le champ d’intervention de l’AMF va au-delà des aspects prudentiels et disciplinaires et conduit à s’intéresser au comportement aussi bien de personnes morales que des personnes physiques, parfois même non professionnelles. Compte tenu de la nature des manquements qu’elle peut sanctionner, l’aspect quasi pénal est bien plus fort au sein de l’AMF. Je pense que chercher à améliorer le système de fonctionnement de chacun doit être la vraie priorité.
Décideurs. Justement, sur quelles pistes d’amélioration travaillez-vous ?
M.?P. Le signe d’une institution qui fonctionne bien est sa capacité à réfléchir en permanence à son mode de fonctionnement. Dans la droite ligne de l’action de Claude Nocquet, j’entends œuvrer au renforcement des règles applicables pour répondre aux besoins de la régulation et du marché. Cela passe, d’une part, par la formulation de propositions de réformes au législateur. C’est par exemple le cas de la réflexion que nous avons menée sur l’instauration d’une procédure de relèvement des sanctions prononcées par la commission. Ce mécanisme existe en droit pénal mais pas devant l’AMF. Nous avons donc réfléchi aux conditions de son éventuelle mise en place pour ensuite laisser trancher le Parlement. D’autre part, je souhaiterais développer les rencontres avec nos homologues européens afin d’échanger et de débattre sur les sujets touchant les sanctions et, plus généralement, la régulation en matière de marchés financiers.