Par Luc Bachelot, avocat associé, Capstan Avocats
Le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises a été adopté en 1ere lecture par l'Assemblée nationale le 22 juillet 2014. Malgré la procédure accélérée engagée sur ce texte, il ne devrait pas être examiné par le Sénat avant le 14 octobre prochain.

Au travers de ce texte, le gouvernement entend intensifier la démarche de simplification en faveur des entreprises, par la mise en œuvre d’ici le 1er janvier 2015 d’une nouvelle vague de mesures issues des travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises. Parmi les différentes mesures envisagées, figure celle visant à développer le rescrit notamment dans le champ du code du travail.

Une volonté de favoriser visibilité et sécurité juridique

Aux fins de rétablir une relation de confiance avec les administrations et de renforcer la sécurité juridique des acteurs publics et privés face à la complexité et à l’instabilité du droit, le Premier ministre a confié au Conseil d’État, en mai 2013, la charge de réaliser une étude sur les nouveaux domaines auxquels le rescrit pourrait être étendu.

Définissant le rescrit comme « une prise de position formelle de l’administration, qui lui est opposable, sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure », le Conseil d’État souligne, dans son rapport « Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets », que le fait que l’on envisage aujourd’hui de multiplier les dispositifs de rescrits est d’abord « un constat d’échec dans la production normative française, jugée trop complexe, peu claire et instable par les acteurs économiques ». Il rappelle ainsi la nécessité de mener « une politique énergique visant à ralentir un emballement normatif préjudiciable aux citoyens, aux entreprises et à la crédibilité même de l’action publique ».

Celà étant, le Conseil d’État présente quinze propositions pour développer l’utilisation du rescrit, parmi lesquelles celle visant à améliorer le rescrit social et à instaurer un rescrit prémunissant du risque de sanctions administratives financières dans le champ du droit du travail.

Le faible engouement des entreprises pour le rescrit social

Introduit d’abord dans le domaine fiscal avec succès, le rescrit a été étendu au domaine social en 2005. Le champ du rescrit social a été élargi au fil des années pour couvrir désormais la plupart des questions relatives à l’application de la législation de sécurité sociale. Reste que le dispositif n’a jamais pris son envol, les dernières statistiques publiées laissant apparaître que seulement 490 demandes de rescrit ont été effectuées auprès des URSSAF en 2013.

C’est fort de ce constat que le Conseil d’État appelle d’abord de ses vœux une amélioration du rescrit social, dont l’attractivité dépend de la garantie que la demande présentée ne suscitera pas un contrôle de la situation de celui qui en est à l’origine.

Il préconise dans un second temps d’étendre le rescrit aux secteurs dans lesquels l’administration dispose d’un pouvoir de sanction, particulièrement dans le domaine du droit du travail.

Sur la base de ces propositions, le projet de loi envisage, sans utiliser le terme de rescrit (qui ne figure d’ailleurs dans aucun texte de loi), d’autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine du code du travail ayant pour objet de permettre à une autorité administrative d’accorder, aux personnes qui le demandent, une garantie consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à leurs situations de faits ou à leurs projets, lui permettant de se prémunir du risque de sanctions financières administratives.

De futurs rescrits permettant de se prémunir d’une sanction administrative financière

A titre d’illustration, l’étude d’impact du projet de loi indique que le développement du rescrit peut être envisagé pour le champ de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés instaurée par le code du travail dont la méconnaissance donne lieu à une sanction administrative financière.

Il est tout aussi possible d’imaginer l’institution de rescrits permettant de se prémunir du paiement de la pénalité applicable aux entreprises d’au moins cinquante salariés lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord conforme relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d’accord, par un plan d’action ou encore du paiement de la pénalité applicable aux entreprises d’au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe d’au moins cinquante salariés lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action conforme relatif à la prévention de la pénibilité.

Si l’introduction du rescrit dans le code du travail apparaîtrait comme une innovation, ce ne serait pour autant pas la première fois que ce dispositif permettrait aux entreprises de se prémunir d’une sanction administrative financière en matière sociale.

La loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a en effet institué une pénalité à la charge des entreprises d’au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe d’au moins cinquante salariés non couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés et une procédure de rescrit pour se prémunir du paiement de cette pénalité.

Lors de la mise en œuvre de ce dispositif (supplanté depuis par le « contrat de génération »), un tiers à la moitié des plans d’action ou accords en faveur de l’emploi des seniors, selon les régions, ont fait l’objet d’une procédure de rescrit.

Ce résultat positif s’explique certainement par la moindre crainte des entreprises de faire l’objet d’un contrôle à la suite de leur demande et la garantie qu’elles ont d’obtenir une réponse précise et donc sécurisante (validation ou non de l’accord), quitte à ce que celle-ci résulte du silence gardé par l’administration…

Du danger d’une multiplication des rescrits

Rien ne doit faire obstacle à ce que les futurs rescrits remportent au moins le même succès que le rescrit seniors, sous la réserve que, comme pour ce dernier, les entreprises puissent compter sur le bénéfice d’une décision implicite d’acceptation de l’administration faute de réponse de sa part dans le délai qui lui est imparti pour se prononcer sur leur demande.

Mais dès lors, le danger guette l’administration du travail de se voir submergée par les demandes de rescrits qu’elle ne saura pas nécessairement en mesure de traiter de manière satisfaisante.

Le gouvernement serait donc bien avisé de ne pas multiplier trop vite les nouveaux rescrits et de mettre en œuvre les moyens (financiers et humains) qui permettront à l’administration d’y faire face.

À défaut, nous pourrions assister à un phénomène accru de validation d’opérations ou de situations non conformes, lequel ne viendrait que renforcer l’insécurité juridique que le projet de loi tend pourtant à combattre.

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