La campagne présidentielle française 2017 a pris des airs de salon de la tech. Big data, hologrammes, réseaux sociaux... le numérique était partout. Tour d'horizon d'outils encore plus ou moins bien maîtrisés.

Montée des extrémismes, fragilisation des camps traditionnels, naissance de nouveaux mouvements… le paysage politique français connaît de profondes transformations. Les notions de « conservatisme » et de « progressisme » semblent avoir remplacé celles de « gauche » et de « droite » dont la légitimité même est questionnée. Sur le fond, les débats n’ont jamais été aussi animés. Sur la forme en revanche, un consensus général s’est dégagé. Celui de l’utilisation massive du numérique pour faire campagne.

 

Miroir mon beau miroir…

Nous avons tous à l’esprit l’impressionnant tour de force de Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise, qui, grâce à un hologramme développé par la start-up française Adrénaline Studio, a tenu ses meetings dans plusieurs villes en même temps. Une première en France. Les technophiles n’ont pas manqué d’en souligner la réussite technique et les experts politiques de reconnaître l’excellent coup de com’ réalisé par le candidat. La technologie est désormais utilisée par les politiques comme un outil marketing. Presque tous les candidats se sont laissé séduire par les arguments (de taille) de start-up qui ont été jusqu’à leur promettre le Saint-Graal s’ils avaient recours à leurs services : l’Élysée.

Les jeunes pousses commercialisent des logiciels qui, à partir d’immenses bases de données et d’algorithmes complexes permettent de mieux cibler les messages et les actions de terrain des politiques. Dès le printemps 2015, le parti Les Républicains s’en est doté et, individuellement, plusieurs candidats de la primaire de droite. « Segmenter la base de données permet de connaître le niveau d’engagement des personnes », explique dans Les Échos Eve Zuckerman, responsable de la stratégie numérique d’Alain Juppé pour la primaire. Ce n’est pas la même chose de parler à quelqu’un qui vient d’arriver et à quelqu’un qui a déjà effectué plusieurs dons. »

 

Certains candidats ont opté pour des solutions déjà bien rodées venues d’outre-Atlantique. Jean-Luc Mélenchon et Jacques Cheminade ont choisi Nation Builder, un logiciel américain créé en 2009 par un entrepreneur du Web Jim Gilliam. D’autres ont préféré s’afficher auprès de pépites tricolores, comme François Fillon et Federavox ou Emmanuel Macron qui s’est appuyé sur la start-up française Liegey Muller Pons pour lancer son nouveau mouvement En Marche !. Selon Guillaume Liegey, l’un des fondateurs, « les informations utiles à la gestion des relations avec les électeurs sont recueillies et utilisées de manière pertinente. Vous pouvez noter toutes vos interactions [et faire] tout ce qu’un CRM marketing permet. Mais en politique, c’est vraiment nouveau ! » Nouveau ? Pas vraiment, puisque Barack Obama l’utilisait déjà pour mener sa campagne en 2007 aux États-Unis et que le nouvel outil a traversé l’Atlantique dès 2014 lors des élections municipales. Aujourd’hui pleinement assumé par les politiques, voire mis en avant pour avoir l’air d’être bien ancré dans son époque, le big data est devenu un élément de campagne à part entière. La start-up Filteris s’en est quant à elle saisi pour tenter de prédire « mieux » que les sondages traditionnels, dont la fiabilité est régulièrement remise en cause. Après avoir combiné flux de données issues d’Internet, sondages et réseaux sociaux, le sondeur 2.0 donnait François Fillon gagnant au premier tour face à Marine Le Pen. Un résultat qui s’est révélé incorrect. Décevant donc. La technologie en politique est parfois défaillante, et les candidats lui préfèrent encore les réseaux sociaux dont ils font un usage massif.

 

Dis-moi qui est le plus beau ?

Twitter, Periscope, Facebook, Instagram, Snapchat, Youtube… Les politiques font entrer les Français dans les coulisses de leur campagne. Lors de la dernière élection présidentielle, Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Benoît Hamon et François Fillon se sont par exemple tous prêtés à l’exercice des questions-réponses sur Snapchat avec les utilisateurs de l’application. Sous forme de séquences vidéo d’une durée de dix secondes maximum qui s’enchaînent les unes après les autres, les interviews sont sérieuses… parfois ; légères, souvent. Seule la forme semble compter pour séduire un électorat qui se délecte tout autant que s’il était devant une bonne comédie du dimanche soir. 

Jean-Luc Mélenchon s'est une fois de plus fait remarquer dans cette campagne en créant une chaîne Youtube où il diffuse des vidéos dans lesquelles il se met en scène de manière millimétrée, après avoir reçu moults conseils d’influenceurs en ligne professionnels. On observe à travers la montée des réseaux sociaux un phénomène de désintermédiation. Les candidats s’adressent directement à leur public, sans passer par les médias. Cette stratégie s’est révélée payante pour le président des États-Unis Donald Trump qui a marqué les esprits lors de sa campagne à coups de tweets ravageurs. 23,6 % des dépenses totales de Donald Trump étaient consacrées à sa présence sur Internet, contrairement à sa rivale Hillary Clinton qui y avait investi seulement 3,5 %. Se faire remarquer à tout prix semble donc être le nouveau credo des politiques. Mais la sphère sociale a aussi montré certaines limites : désinformation, bad buzz, attaques en tous genres… « Les politiques ne se méfient plus de l'outil numérique, mais ils craignent encore l'instantanéité car ils ont le souci de contrôler et d'avoir la main sur leur discours », explique Anaïs Théviot, chercheuse en sciences-politiques et auteure d'une thèse sur le militantisme partisan en ligne. S’il apparaît donc aujourd’hui difficile de faire l’impasse sur le digital lorsqu’on fait de la politique, le virage opéré n’en est sans doute qu’à ses prémices et de nombreuses évolutions sont encore à prévoir.

 

Marion Robert 

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