Virginie Lazès (Rothschild) : « Je ne serais pas partie pour une autre banque que Rothschild »
Dealmakers. Dix deals depuis votre arrivée chez Rothschild il y a douze mois : c'est un rythme très soutenu. Quel est votre sentiment sur ces débuts ?
Virginie Lazès. Je pense que c’est un bon début ! Outre le nombre de transactions, c'est la qualité des opérations accompagnées que je retiens. Nous avons fait entrer Kennet Partners puis Goldman Sachs au capital de Nuxeo, éditeur de logiciel en SaaS pour une levée de fonds record de 30 M$. Nous avons aussi participé au dual track (levée de fonds/IPO/M&A) qui a conduit à la cession de Withings à Nokia pour 170 M€.
Je suis venue chez Rothschild afin de partager ma connaissance de l'écosystème des entrepreneurs du digital français ainsi que mon expertise des business models et des valorisations des sociétés technologiques. En contrepartie, la plate-forme Rothschild me permet d'accéder à des contreparties d’extrêmement haut niveau, à la fois industriels acheteurs et d'investisseurs, en France comme à l'international.
Est-ce aussi l'opportunité pour vous d'aller chercher davantage de deals ?
Sur la lancée d'une première année aussi active, les opportunités devraient aller crescendo. Cette dizaine de deals a été originée à une période où le marché n'avait pas encore pris la mesure du track-record de Transaction R en tant que conseil des sociétés technologiques sur le segment mid-cap.
Cette accélération est également rendue possible par le recrutement de Matthieu Lattes, sur la partie levée de fonds/venture, qui, associé à mon champ d'intervention, permet à Transaction R de proposer un dual track à ses clients : levée de fonds et M&A. Néanmoins, même si nous sommes très optimistes, l'année 2017, entre période électorale et conséquences du Brexit, ne sera pas sans contraintes non plus.
La tech reste un vaste domaine. Privilégiez-vous certains de ses sous-secteurs plus générateurs de valeur ?
C'est vrai que la tech est large et nous avons plusieurs sous-secteurs de focus historique : l'e-santé, la fintech, les places de marché/l'e-commerce, l’ad-tech. Et j'ai aussi pris conscience cette année que le marché manifestait un véritable appétit pour deux types de sociétés de conseil : le big data et le digital, offrant sur ces segments des valorisations très fortes.
Votre avis d'experte technologique sur le dossier Twitter ?
C'est un dossier compliqué mais qui n'est pas surprenant : Twitter ne gagne toujours pas d'argent ! Ils n'ont pas de business model. Tous les dossiers tech ne sont pas de bons dossiers. À plus ou moins long terme, ces sociétés doivent devenir profitables. C'est terrible car le média est superbe. Le même procès d'intention avait été fait à Facebook avant que Mark Zuckerberg ne démontre sa capacité à monétiser son audience, dans le mobile notamment. Pour réussir à se vendre, Twitter devra soit concéder une décote de valeur, soit solidifier ses fondamentaux et prouver sa capacité à monétiser.
C'est un dossier compliqué mais qui n'est pas surprenant : Twitter ne gagne toujours pas d'argent ! Ils n'ont pas de business model.
Deezer semble être une affaire compliquée aussi ?
Ce n'est pas simple car Deezer représente encore aujourd'hui une grande réussite pour une société française à l'international avec un business model disruptif. Je pense que, faute d'avoir réussi à lever suffisamment d'argent, et assez vite, il se retrouve coiffé aux poteaux par des géants concurrents. Ce qui est terrible, c'est qu'avec Spotify, ils ont éduqué le marché du streaming musical. L'autre question derrière ce sujet est de savoir si cette industrie du streaming est vraiment un marché à part entière. Pour moi, elle est prise entre le marteau et l'enclume : les ayants-droit demandent de significatives (mais justes) rémunérations, pendant que les utilisateurs, qui ont certes compris qu'il fallait payer pour en profiter, ne sont pas prêts à payer très cher pour ces services. Si la demande n'est pas prête à s'aligner sur le prix de l'offre, ce métier ne sera jamais rentable seul et il devra s'associer à d'autres activités (package de services culturels...).
Pour finir, quelques mots sur ce transfert remarqué de Bryan Garnier vers Rothschild. Êtes-vous heureuse ?
Je revendique complètement mon expérience chez Bryan Garnier. J’ai construit ma carrière sur un principe de fidélité. J'ai commencé par dix ans chez Close Brothers. J'y ai bouclé un premier cycle. Puis, en huit ans chez Bryan Garnier, je crois avoir complété un second bon cycle où j'ai pu structurer l'activité et l’équipe M&A. Je ne serais pas partie pour une autre banque que Rothschild. Je souhaitais franchir un palier supérieur et peu d'autres projets pouvaient me satisfaire à Paris.