Qui a déjà croisé une personnalité toxique au cours de sa vie connaît la consigne : fuir. Selon les lois statistiques, ce type de personnalité sévit également au sein de nos entreprises. Comment repère-t-on ces personnalités ? Comment s’en protéger ? Qu’en est-il lorsque, pour la victime, fuir revient à perdre son emploi ? Quelles sont les obligations de l’employeur en la matière ? Faisons le point.

Associée du cabinet Sekri Valentin Zerrouk, spécialisée en droit du travail, Émilie Meridjen est la partenaire de sociétés françaises et étrangères qu’elle conseille dans l’élaboration et la mise en œuvre de documentations et stratégies sociales pertinentes, pragmatiques et sécurisées. Que ce soit dans le cadre d’opérations complexes ou des questions du quotidien, elle place les enjeux business de ses clients au cœur de ses préoccupations. Émilie Meridjen défend également ses clients devant les juridictions pénales, du travail et de la sécurité sociale.

Repérer une personnalité toxique : pas si simple

Les personnalités toxiques sont protéiformes. Il peut s’agir d’une personne ouvertement agressive, virulente, manquant d’empathie et prête à tout pour se mettre en avant. C’est le cas du chef mégalomane, qui crie sur son équipe les jours où il s’est levé du mauvais pied, ou de celui dont il est impossible de savoir si c’est le bon moment pour aller le voir… Dans ce cas, la toxicité est assez simple à repérer.

Mais elle peut aussi être plus insidieuse, et par conséquent plus difficile à détecter : il s’agit ici d’une personne qui, si elle donne l’impression d’être fréquentable, va progressivement créer un climat d’emprise. Cette emprise peut se traduire par une déstabilisation, des ordres contradictoires, une tendance à réécrire les événements passés, une dissonance entre les messages verbaux et non verbaux, une alternance des phases de séduction et de destruction.

Par un phénomène d’habituation, la victime va douter d’elle-même à l’extrême, sans même discerner ce qui se joue. On repère en général les personnalités toxiques à partir de la souffrance qu’elles provoquent chez les autres. La détection est alors plus ardue, et exige de porter une attention fine aux signaux faibles émanant des membres de l’équipe, voire de leur proposer un parcours de sensibilisation spécifique sur le sujet.

Est-il interdit d’être toxique en entreprise ?

Le Code du travail ne définit pas la personnalité toxique. En revanche, la personnalité toxique peut avoir des comportements semblables au harcèlement moral, voire sexuel, qui eux tombent sous le coup de la loi.

Ainsi, toute personne, toxique ou non, qui se livrerait à des agissements répétés de harcèlement moral (ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel d’un collaborateur) ou sexuel (des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à l’encontre d’un collaborateur une situation intimidante, hostile ou offensante), peut voir sa responsabilité engagée.

Sous des allures de gendre idéal, la personnalité toxique va créer progressivement un climat d’emprise

La jurisprudence va plus loin : elle considère que même s’il n’est pas constitutif d’un harcèlement moral, un management brutal peut justifier un licenciement pour faute grave. La Cour de cassation a en effet rappelé récemment (14 février 2024) qu’un mode de gestion nocif pour la santé des collaborateurs peut à lui seul motiver un licenciement pour faute grave. Peu importe que les manquements du manager soient ou non constitutifs d’un harcèlement moral.

Quelles sont les obligations de l’employeur face à une personnalité toxique ?

Lorsqu’une situation de harcèlement est alléguée ou caractérisée, l’employeur est tenu de :

- prévenir tout agissement de harcèlement ou comportement inapproprié au sein de son entreprise ;

- mener une investigation lorsqu’une telle situation est portée à sa connaissance ;

- mettre un terme à toute situation anormale caractérisée ;

- sanctionner la mesure pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Mais même en l’absence de harcèlement, l’employeur a une obligation générale de prévention et de sécurité pour la santé physique, mais aussi mentale, de ses salariés. Cela implique que des collaborateurs ou collaboratrices qui souffrent des agissements d’un manager toxique puissent mettre en cause la responsabilité de leur employeur.

Et en pratique, que doit faire l’employeur ?

Concrètement, il est vivement recommandé de faire de la prévention : sensibiliser les équipes, former les managers, faire intervenir des spécialistes, nommer un référent harcèlement, créer des canaux d’expression de la parole des salariés. En clair : il s’agit de parler du sujet, et certainement pas de le cacher sous le tapis…

S’agissant plus particulièrement des managers, leur accompagnement est crucial, ce qui passe par la transmission d’outils favorisant une communication respectueuse et efficace. Car si l’on constate que bien souvent, les managers sont d’excellents techniciens, ils sont aussi régulièrement dépourvus des qualités requises pour encadrer et faire grandir leurs équipes. Il est donc essentiel de les former à la gestion de la performance et de la sous-­performance de leurs équipes.

Et, lorsqu’une situation est signalée, là encore la loi du silence n’est pas de mise : au contraire, il convient de créer les conditions favorables à l’écoute active du signalant, de mettre en place une procédure neutre et impartiale d’investigation. Quand un comportement abusif est caractérisé, il est du devoir de l’employeur de le sanctionner. 

En clair : il s’agit de parler du sujet, et certainement pas de le cacher sous le tapis…

Quels sont les risques encourus ?

Le salarié toxique se livrant à des actes répréhensibles encourt des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave, voire lourde lorsqu’une intention de nuire est caractérisée. Il risque également des poursuites pénales initiées par la victime, qui l’exposent à des peines allant jusqu’à 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement.

L’employeur risque quant à lui de payer des dommages et intérêts, voire une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par la victime. Les sanctions seront d’autant plus sévères que le devoir de prévention n’aura pas été rempli et qu’il aura fait preuve d’inertie dans le traitement d’un signalement.

Attention : si aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement, un signalement peut dans certaines circonstances constituer une diffamation exposant son auteur à des sanctions.

Entretien avec Émilie Meridjen, associée au sein du cabinet Sekri Valentin Zerrouk

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