À 36 ans, Mounia Mir est CFO de Kili Technology, une start-up spécialisée dans la donnée d’apprentissage pour l’IA, en plein virage stratégique. Elle partage sa vision inclusive de la fonction finance et revient sur les enjeux de diversité des directions financières ainsi que la dimension entrepreneuriale essentielle au rôle de CFO.

 Décideurs. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Mounia Mir. Mon parcours est le fruit de passions et de coïncidences, qui a débuté il y a quinze ans avec un master en finance à Dauphine. J’ai commencé ma carrière en audit chez Deloitte. Une première expérience formatrice où j’ai acquis des réflexes indispensables à mon métier. Au cours de ces années, grâce au soutien de mes associés et mentors, j’ai finalisé l’obtention d’un DEC. Après avoir coché cette première case technique du métier, j’ai souhaité être plus exposée à l’écosystème M&A qui m’attirait à l’époque. Le conseil en Transaction Services que j’ai découvert chez Deloitte m’est apparu comme une évidence. J’ai donc rejoint le cabinet Eight Advisory en 2014, alors en pleine phase d’ouverture à l’international. Je réalisais des due diligences financières pour le compte de fonds d’investissement ou de sociétés. Une expérience qui m’a permis d’élargir mon réseau d’avocats, de banquiers, et de conseils en fiscalité. Des acteurs que je sollicite aujourd’hui encore avec plaisir. En 2016, j’ai finalement rejoint la direction financière du groupe LVMH. Je ressentais alors un besoin d’ancrage en entreprise après sept années intenses de conseil. J’y suis restée six ans et y ai fait mes armes en management d’équipe et en communication au sein de grandes organisations. En 2022, j’ai décidé de découvrir un environnement totalement différent, celui des start-up. C’est ainsi que j’ai rejoint Kili Technology en tant que DAF. Un pari fou car je ne savais pas où je mettais les pieds. Dès les premières semaines, j’ai très vite été séduite par cet environnement ultra-dynamique. Aujourd’hui, en plus de mon rôle de CFO, je cogère une business unit avec le CEO. Une belle illustration de l’importance stratégique de la direction financière dans une start-up.

"La fonction doit conjuguer rigueur financière et prise de risque stratégique"

Quel est le plus grand défi pour un CFO aujourd’hui ?

La fonction doit conjuguer rigueur financière et prise de risque stratégique. Dans un contexte où les entreprises évoluent rapidement, il doit non seulement aller au-delà de son rôle traditionnel pour devenir un véritable partenaire stratégique mais aussi être entrepreneur dans l’âme et maîtriser les chiffres tout en ayant une vision transversale de l’entreprise, afin de naviguer dans l’incertitude, d’accompagner l’innovation et de prendre des décisions audacieuses. la fonction a vocation à assurer la pérennité et la croissance de l’organisation.

Les CFO seraient-ils de bons entrepreneurs ?

Ils ont indéniablement des qualités qui les prédisposent à l’entrepreneuriat, mais cela nécessite un ajustement de perspective. Un CFO traditionnel est formé pour minimiser les risques, mais dans une start-up, il doit savoir les évaluer et parfois les embrasser pour permettre la croissance. L’entrepreneur et le CFO partagent une vision à long terme et une capacité d’adaptation rapide. Pour réussir, le financier doit développer ce goût du risque pour prendre des décisions audacieuses mais toujours éclairées.

"L’un de mes engagements les plus gratifiants est de m’adresser aux jeunes dans des collèges et lycées pour leur parler de mon parcours"

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?

L’un de mes engagements les plus gratifiants est de m’adresser aux jeunes dans des collèges et lycées pour leur parler de mon parcours et les sensibiliser à l’importance de la diversité dans les filières tech et financières. Une mission qui me tient particulièrement à coeur. En tant que femme issue de la diversité, je suis convaincue que l’inclusion est un enjeu majeur pour notre écosystème et que la diversité est un vecteur d’amélioration de la performance. Les échanges que j’ai avec ces jeunes peuvent influencer positivement leur avenir, tout en contribuant à transformer notre secteur.

Que faire pour que les directions financières soient plus inclusives ?

Il est nécessaire d’agir sur plusieurs fronts. Il faut sensibiliser les fondateurs, mais aussi impliquer les fonds d’investissement, qui jouent un rôle clé en tant que partenaires stratégiques. Ces derniers peuvent encourager l’adoption de pratiques inclusives au sein des équipes dirigeantes. Des initiatives comme celles menées par le fonds Serena Capital, qui organise des ateliers pour sensibiliser aux biais sociétaux, sont un excellent exemple. Toutefois, il est impératif que cette impulsion vienne du plus haut niveau pour être réellement efficace.

 

🔎Parcours

  • 2005 : obtient un master 2 en comptabilité, contrôle et audit à l’université Paris- Dauphine
  • 2010 : arrive chez Deloitte
  • 2014 : intègre Eight Advisory en tant que manager en M&A et TS
  • 2016 : rejoint LVHM en tant que manager d’un portfolio de 25 sociétés immobilières
  • 2021 : intègre Kili Technology et devient CFO en 2023

 

Propos recueillis par Céline Toni