Le 25 juin 2024, l’Arcom a rappelé à l’ordre Sud Radio pour des déclarations contredisant ou minimisant le consensus scientifique sur le dérèglement climatique. Manque de rigueur et absence de contradiction : l’émission Bercoff a traité le sujet hors des clous.

C’est la première fois qu’un média se fait taper sur les doigts pour sa défaillance dans le traitement du sujet Climat. Le 25 juin 2024, l’Arcom a mis en garde Sud Radio pour “plusieurs déclarations [qui] venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction.” Aucune sanction financière n’est tombée ce coup-ci.

“C’est de l’enfumage ?”

Le dérapage s’est produit au cours de l’émission “Bercoff dans tous ses états” diffusée le 7 décembre 2023 sur Sud Radio et Sud Radio +, consacrée à la COP28. Le journaliste André Bercoff avait invité pour l’occasion François Gervais, physicien et essayiste, auteur d'“Impasses climatiques” publié aux éditions de l'Artilleur. Parmi les questions du journaliste à son unique invité peu convaincu par ses confrères du Giec : “Au fond ça sert à quoi la Cop 28 ?”, “C’est de l’enfumage ?”, “Est-ce qu’il y a vraiment un réchauffement climatique” ou encore “Ce sont des chiffres [du rapport du GIEC] avancés qui ne veulent rien dire?”

C’est l’association QuotaClimat qui a saisi le gendarme de l’audiovisuel dans la foulée. Après sa réunion en collège le 29 mai dernier, l’Arcom a tranché : Sud Radio a violé les obligations tirées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent.

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Le texte impose à tout éditeur d’un service de communication audiovisuelle d’assurer “l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent”, de garantir le bien-fondé et les sources de chaque information. Dès qu’il le peut, il doit mentionner l’origine des informations relatées. Ils doivent faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. D’où l’emploi du temps conditionnel pour celles qui ne sont qu’incertaines.

Couverture médiatique à deux vitesses

Quota Climat, qui salue cette “première française”, s’est donné pour mission d’alerter l’opinion sur la désinformation en matière climatique. À côté de ses interpellations et de ses plaidoyers, l’association contribue à élaborer, avec d’autres acteurs soutenus par l'Ademe et l'Arcom, un baromètre quantifiant et qualifiant le traitement médiatique des enjeux écologiques, dans l'audiovisuel et la presse écrite hexagonale. Le baromètre livre quelques chiffres parlants : en 2023, la Coupe du monde au Qatar a fait l’objet d’une couverture médiatique de vingt fois supérieure à celle de la COP15 sur la biodiversité (qui représentait pour sa part 0,3 % de l’espace médiatique sur les deux semaines de l’évènement) ; les médias ont peu parlé de la COP 27 (1,4% du volume médiatique contre 1,8% COP 26 pendant la quinzaine de l’événement, et le Giec a occupé 13 fois moins le terrain médiatique que la réforme des retraites.

Proposition de loi

En 2023, Quota Climat et le think tank Institut Rousseau avaient élaboré une proposition de loi relative à la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité. Dans les motifs était évoqué le faible taux (3,6 %) de contenus médiatiques relatifs aux questions climatiques pendant la campagne électorale présidentielle de 2022. Et “la fabrique du doute” des médias français qui ne distinguaient pas les faits des opinions en la matière. La proposition tendait à faire de l’objectif d’une meilleure prise en compte des limites planétaires et de la raréfaction des ressources dans les médias une “priorité nationale”. Avec au programme, un renforcement des prérogatives de l’Arcom. Eva Morel, cofondatrice et co-présidente de QuotaClimat, avait expliqué à Libération que l’Arcom ne pouvait pas donner suite lorsqu’elle était saisie du sujet de la désinformation en matière de climat. L’Arcom vient de prouver le contraire.

Patrick Roger, le directeur général de Sud Radio aurait rappelé à André Bercoff la nécessité d’apporter de la contradiction. Il aurait aussi dit s’opposer à une “interdiction de la parole sur certains sujets”. “La vérité d’aujourd’hui n’est pas toujours celle de demain, qui n’était pas celle d’hier.” Rien n’est moins certain que la vérité, CQFD.

Anne-Laure Blouin

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