Entretien avec Marion Bergeret, directrice juridique d’Alan. Du haut de ses 34 ans, l’ancienne avocate s’en est allée vers l’univers des start-up et de la tech après un stage de codage au Wagon. Depuis quatre ans, elle pilote les affaires juridiques de la mutuelle nouvelle génération.

“Alan avance très vite, les défis changent très vite.” Marion Bergeret se penche sur de nouveaux dossiers tous les trois mois. Elle n’exerce plus comme avocate – elle l’a été quelques années après des études à Oxford et Berkeley – mais ses fonctions de directrice juridique de la mutuelle Alan l’entraînent vers des sujets variés et pas seulement juridiques. La jeune femme a opéré le virage vers le monde des start-up en 2018, chez Snips. Absorbée un an plus tard par Sonos, l’entreprise développait une technologie de reconnaissance vocale d’objets non connectés basée sur l’intelligence artificielle (IA). Une affaire qui sied à la juriste qui a étudié les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et qui s’est vite passionnée pour la relation du droit aux nouvelles technologies. Fille d’un couple d’ingénieurs, elle a grandi aux États-Unis, baignée dans une “culture familiale tech” et cosmopolite. À Berkeley, elle participe à la Samuelson Law, Technology & Public Policy Clinic, et travaille pro bono pour des ONG américaines dont les préoccupations portaient à l'époque sur les dérives potentielles des paiements mobiles, se souvient-elle. C’est aussi les débuts de la blockchain. Elle se penche dessus chez Baker McKenzie, entre autres : lancement de produits en Europe par des entreprises de la “tech US”, investigations de la Cnil, contrats d’outsourcing de firmes du CAC40, M&A de start-up…

Appétit au risque

C’est au cœur des start-up qu’elle devient un “couteau suisse”.On lâche le perfectionniste et la théorie”, explique Marion Bergeret. Après trois ans en cabinet, elle s’interroge sur la suite de sa carrière. S’inscrit au Wagon, l’école de la tech. Apprend le code pendant deux mois. Et envisage de devenir producter manager. Elle rejoint finalement Alan, qui sortait de sa “série C”, le “partenaire-santé tout en un” et surtout, très branché tech. Elle découvre dans le club très fermé des collaborateurs de la start-up, des personnes curieuses et très “calées” sur le plan réglementaire, qui ne perçoivent pas les juristes comme des gens qui empêchent d’avancer. Et chez Alan, la rapidité d’évolution est maître mot. Marion Bergeret insiste sur “l’appétit au risque” de la start-up. Qui depuis, infuse son travail. “On se doit de comprendre les enjeux financiers ou d’expériences utilisateurs, la solution est dictée par d’autres enjeux que ceux uniquement juridiques.”

“On transmet l’information avant qu’on nous la demande, et on travaille en bonne intelligence. Cela nous permet aussi de garder notre vitesse d’exécution”

Ses missions se suivent, mais ne se ressemblent pas : apporter son conseil sur des opérations de M&A, répondre à un audit de la Cnil en fin 2020, développer des moyens de lutte contre la fraude et d’action contre les mauvais payeurs, animer la communauté juridique d’Alan, accompagner l’utilisation de l’IA au sein de l’entreprise… “Les gros enjeux c’est de rester dans les attentes des régulateurs.” Comprendre : montrer à ces régulateurs que la mutuelle se soucie du respect des engagements qu’elle prend envers ses membres. Alan a répondu présent à la Cnil qui cherchait des têtes pensantes pour élaborer sa doctrine en matière de nouvelles technologies. Avec sa gestion des données personnelles ayant trait à la santé des assurées, l'assurance connaît bien le sujet. Marion Bergeret explique que la start-up a à cœur d’être “un acteur qui veut respecter les règles du jeu”. Un acteur transparent aussi. Le courrier de la Cnil clôturant le contrôle d’Alan figure sur le blog l’entreprise. Tous les régulateurs sont traités à la même enseigne. Alan doit obtenir l’aval de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour lever des fonds. “On transmet l’information avant qu’on nous la demande, et on travaille en bonne intelligence. Cela nous permet aussi de garder notre vitesse d’exécution.” Auprès de Bercy, c’est de l’actionnariat salarié que la start-up fait la promotion. Un mécanisme “intelligent pour l’économie française”, assure la directrice juridique d’Alan, friand de ce dispositif fiscal.

“Chez Alan, les solutions d’IA fonctionnent très bien parce que l’on consigne tout par écrit depuis huit ans”

Et puis, chez Alan, les salariés savent qui est payé combien. La start-up a mis au point une grille de salaire translucide. Une autre façon de faire régner la transparence au sein des locaux qui bordent le canal Saint-Martin dans le 10e arrondissement de Paris. Et hors des locaux, pour les 30 % des effectifs qui profitent de la formule télétravail à volonté de la start-up. Marion Bergeret vit au grand air à Chamonix. C’est depuis les montagnes qu’elle bûche sur les questions de conformité ou d’intelligence artificielle. Une technologie sur laquelle d’ailleurs, les cofondateurs, Charles Gorintin et Jean-Charles Samuelian, également cofondateurs non opérationnels de Mistral AI, avaient déjà parié il y a plusieurs années. En interne, les équipes utilisent DUST, entre autres. “Chez Alan, les solutions d’IA fonctionnent très bien parce que l’on consigne tout par écrit depuis huit ans, raconte Marion Bergeret, on a créé une mémoire collective pour analyser les décisions.”

Bonne foi

C’est d’ailleurs dû à un aspect très commenté du fonctionnement d’Alan : la prohibition des réunions. Si un employé doit prendre une décision, il met en route une plateforme interne, partage ses interrogations, le contexte et des documents puis invite ses collaborateurs à l’éclairer sur le sujet. Des mois ou des années après, Alan n’aura qu’à fouiller dans son cloud pour retrouver le chemin et les raisons de telle ou telle décision, justificatifs et documents à l’appui. Selon la juriste qu’est Marion Bergeret, ce processus permet d’apporter “la preuve de la bonne foi” des personnes décisionnaires. Pour cette directrice juridique, le juriste ne doit pas à être le seul à prendre des décisions. Alan opère dans un milieu très réglementé. Les product managers doivent connaître leurs produits et les règles assorties. Ça fonctionne. Alan a remporté en novembre dernier, à l’occasion de la réforme assurance-santé dans la fonction publique, l’appel d’offres du Palais-Bourbon pour l’assurance-santé des assistants parlementaires.

Anne-Laure Blouin

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