[Impacts en série] Régulièrement, 100 Transitions met en avant l’un des membres du Collège des directeurs du développement durable (C3D). Épisode 7 : Julie Ravillon, Global CSR and Sustainability Leader chez Salesforce.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

J’ai toujours travaillé dans la transformation digitale, depuis le début de ma carrière en pleine bulle Internet. Que ce soit dans des start-up ou dans des entreprises plus importantes, j’ai toujours été passionnée par ces questions de transformation, non seulement technologiques mais aussi sociétales. Nous avons des responsabilités en tant qu’individus, tout comme les entreprises qui ont elles-même un impact important sur notre société. J’ai concrétisé cet intérêt en me formant, notamment avec un executive MBA à HEC dont une section était consacrée au développement durable. Un des exemples donnés portait sur l’entreprise Unilever, et particulièrement de son dirigeant Paul Polman, qui a été PDG d’Unilever monde pendant dix ans.  Son livre Net Positive m’a particulièrement marqué . J’ai poursuivi avec une formation à Cambridge sur l’économie circulaire et la durabilité, car je voulais concilier mon expertise en transformation digitale avec le développement durable car un des points essentiels est la data, d’autant plus sur ce sujet de l’ESG. Mon arrivée chez Salesforce en 2022 a été l’étape suivante, une étape clé, et depuis je dirige la stratégie de développement durable pour la France.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Salesforce ?

Salesforce est le leader mondial des solutions de CRM et a fêté ses 25 ans cette année. La stratégie de notre société repose sur cinq valeurs fondamentales : la confiance, le succès client, l’innovation, l’égalité et le développement durable. Notre politique RSE est quant à elle définie au niveau global par notre Chief Impact Officer, Suzanne di Bianca, qui est au board de Salesforce, puis déclinée localement par les différents bureaux qui doivent l’adapter aux normes et particularités de chaque pays. 

Sur ce point nous devons avouer que l’Europe et la France ont une place particulière car l’Union est à la pointe sur de nombreux sujets de régulation. La directive CSRD par exemple est un moteur particulièrement observé au niveau international. Pour ce qui est de nos objectifs, nous sommes d’abord focalisés sur la réduction de nos émissions avec un objectif de réduction de 50% de nos émissions d’ici 2030 et plus de 90% d’ici 2040. Nous opérons 100% en énergie renouvelable à savoir nous achetons suffisamment d’énergie renouvelable pour couvrir la quantité d’électricité utilisée pour alimenter nos activités mondiales chaque année.

Quels sont pour vous les grands enjeux du moment en matière de RSE ?

Comme je le disais plus tôt, la question de la décarbonation est centrale pour Salesforce. C’est une stratégie que nous appliquons sur toute notre chaîne de valeurs, en partant du code lui-même jusqu’à nos fournisseurs, dont ceux des data centers, afin d’aligner nos stratégies.

Pour rebondir sur ce point de la sobriété des data centers, comment la question de l’IA est-elle abordée chez Salesforce ? Il est avéré que c’est une technologie extrêmement énergivore, et que sa consommation en ressources explose dans des entreprises comme Microsoft ou Google…

C’est une bonne question. Chez Salesforce, nous avons fait le choix d’être sélectifs sur les endroits où nous déployons nos propres modèles d’IA. Nous cherchons également toujours à nous assurer que la taille des modèles à entraîner corresponde aux besoins exprimés. Des enjeux très ciblés ne nécessitent pas  forcément de très grands modèles. Nos modèles d’entraînement peuvent ainsi être de 15 à 300 fois plus petits que certaines des solutions concurrentes. Notre équipe de recherche Salesforce sur l'IA développe des modèles efficaces, spécifiques aux tâches et aux domaines , qui peuvent être utilisés pour les applications CRM, réduisant ainsi considérablement l'énergie et les ressources informatiques nécessaires pour accomplir des tâches spécifiques. Par exemple, l'équipe a développé xGen, le premier LLM au monde pour la gestion de la relation client. Il génère des résumés d'appels qui offrent aux commerciaux des informations et des recommandations contextuelles pertinentes pour améliorer la productivité et l'efficacité. Nous travaillons en ce sens avec nos clients pour optimiser l’efficience de leurs processus. Il n’y a aucun intérêt à mettre de l’IA partout juste pour le plaisir de mettre de l’IA.

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Sur les data centers eux-mêmes, nous utilisons aussi les solutions techniques les plus efficientes et nous accordons une importance toute particulière à leur localisation et à l’accès à des énergies renouvelables. Pour réduire les émissions des modèles d'IA, Salesforce a formé ses modèles dans des centres de données à faible intensité de carbone alimentés par une électricité émettant 68,8 % de carbone de moins que la moyenne mondiale de l'électricité. Cela a permis d'économiser 105 tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (tCO2e) par rapport à l'utilisation de centres de données ayant une intensité carbone moyenne mondiale pour la formation.

Quels autres chantiers avez-vous mis en place ?

Au-delà de l’énergie et du carbone, nous travaillons à réduire nos impacts sur l’environnement, et nous sommes un des membres fondateurs de l’organisation mondiale One Trillion Trees.org  avec le World Economic Forum. Comme son nom l’indique, ce projet a pour but de conserver, restaurer, planter mille milliards d’arbres d’ici à 2030. Chez Salesforce, nous nous sommes engagés à conserver, planter et restaurer 100 millions d’arbres d’ici 2030, et nous en sommes à 52 millions à date en moins de trois ans. Toujours dans ce cadre, nous menons actuellement un projet de restauration forestière en France, dans la Marne particulièrement en collaboration avec ReforestAction. Pour répondre aux défis liés à la biodiversité et de nos impacts, nous avons également co-créés la Nature Tech Alliance, avec ERM, Planet Labs et NatureMetrics. Cette organisation a pour but de travailler sur la captation et l’analyse des données d’impact relatives à la biodiversité. Ces données pour le moment manquantes sont indispensables à la mise en place de politiques efficaces dans l’amélioration de la biodiversité. 

Si la partie environnementale est centrale, nous n’oublions pas pour autant la composante sociale de la RSE. Depuis son lancement Salesforce fonctionne autour du « one one one model », c’est-à-dire que nous reversons 1 % de notre chiffre d’affaires, 1 % de notre temps et 1 % de nos produits à des associations à but non lucratif. Nos salariés peuvent ainsi consacrer sept jours par an à des associations de leur choix. 

Quels sont pour vous les obstacles à la mise en place d’une politique RSE efficace ?

Je ne sais pas s’il s’agit véritablement d’un obstacle mais il est clair que le fait que le cadre législatif soit mouvant et encore en construction ne nous simplifie pas la tâche. L’un des grands défis est aussi de convaincre nos employés et l’ensemble de nos parties prenantes. C’est un vrai sujet de management du changement. Ils ont tous leurs propres métiers, contraintes et objectifs et mon rôle consiste en partie à convaincre, sensibiliser pour aller dans la même direction. Cela passe sans surprise par un important travail de pédagogie. Il ne suffit pas d’une formation ou deux pour créer une prise de conscience. C’est un travail de fond pour convaincre toutes les composantes de l’entreprise, des RH aux achats de l’utilité de nos politiques. C’est un sujet qui génère aussi des craintes, et le message ne doit pas non plus en paralyser certains. C’est un numéro d’équilibriste ! 

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Par ailleurs, il faut que la direction de l’entreprise adhère véritablement au projet, sinon il ne peut tout simplement pas fonctionner. Chez Salesforce nous avons la chance d’avoir un président, Marc Benioff,  pour qui le Développement Durable constitue un enjeu important, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle c’est une des 5 valeurs fondamentales de notre société. C’est aussi la raison pour laquelle Emilie Sidiqian, notre CEO France, a voulu que je lui sois directement rattachée. C’est un message fort en termes de leadership.

Salesforce est au cœur de l’écosystème de dizaines de milliers d’entreprises. Est-ce-que cela veut dire que vous avez une responsabilité particulière ?

Effectivement nous avons une position assez rare, qui nous permet d’accompagner nos clients dans leur propre transformation durable. Ce sont plus de 150 000 sociétés qui utilisent nos solutions, dans tous les secteurs. Ils nous sollicitent pour répondre à leurs besoins et nous sommes en position de leur offrir des solutions technologiques adaptées pour les accompagner dans leurs projets de décarbonation et de traçabilité. En leur fournissant des outils efficaces, nous sommes directement facilitateurs de cette transition, notamment avec Net Zero Cloud, que nous utilisons pour diriger notre propre stratégie ESG. Net Zero Cloud, construit sur le CRM, relie les données environnementales, sociales et de gouvernance à tous les organes de l’entreprise, y compris les fournisseurs, les partenaires, l’ensemble de leur chaîne de valeur. Net Zero Cloud permet aux entreprises de piloter leur stratégie ESG jusqu’à la partie reporting réglementaire telle que la CSRD.

Qu’est ce qui vous a poussé à rejoindre le Collège des directeurs du développement durable ?

J’ai rejoint le C3D assez récemment, en décembre dernier. Je connaissais bien son président Fabrice Bonnifet, mais la véritable motivation est que j’avais besoin d’être proche de mes pairs. Dans notre métier nous ne sommes pas en concurrence entre nous, et nous apprenons à la fois tous ensemble et les uns des autres. Le C3D est un vrai moteur collectif, qui porte le changement sur le temps long et qui lui permet d’accélérer. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, ses apprentissages et ses particularités. 

En tant que directeurs RSE nous sommes en permanence à la recherche d’informations et d’innovations pour réussir à embarquer nos écosystèmes respectifs dans un mouvement indispensable à la société !  

Propos recueillis par François Arias

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