La fraude et la corruption représentent des menaces majeures pour la fiabilité d’une entreprise, quels que soient sa taille ou son secteur d’activité. L’évaluation des risques liés à ces pratiques n’est pas seulement une réponse à des obligations légales comme la loi Sapin 2, mais un véritable outil de gestion stratégique. Cet exercice va bien au-delà de la simple conformité, permettant aux entreprises de détecter des faiblesses dans leurs contrôles internes qui pourraient ouvrir la voie à des fraudes. 

Identifier et évaluer les faiblesses des contrôles internes

Dans la théorie du triangle de la fraude, modèle conçu par Donald Cressey en 1950, un des trois facteurs clés facilitant la fraude est l’opportunité, souvent générée par des faiblesses au sein des processus internes. Une évaluation proactive des risques de fraude permet donc de repérer ces failles avant qu’elles ne soient exploitées. L’évaluation des risques de fraude et de corruption s’intègre dans une démarche globale de renforcement des processus internes. Elle aide les entreprises à cibler les domaines à risque où les contrôles sont insuffisants ou mal appliqués, créant ainsi des opportunités pour des comportements frauduleux. La fraude et la corruption peuvent être présentes à tous les niveaux et dans tous les processus de l’entreprise. L’évaluation des risques qui s’y attachent doit être pensée en amont et intégrée au cœur des opérations stratégiques de l’entreprise. Cet exercice peut être appliqué à l’ensemble des activités d’une entreprise, mais il est souvent pertinent de se concentrer sur des processus clés où les enjeux financiers et les interactions avec des tiers sont nombreux, comme les achats. Ce processus est particulièrement sensible car il implique plusieurs étapes – de la sélection des fournisseurs à la gestion des commandes, en passant par les paiements – et mobilise divers acteurs, internes comme externes, augmentant ainsi le risque de malversations. Chaque organisation doit développer sa propre méthodologie d’évaluation des risques, adaptée à ses objectifs spécifiques, à sa structure et à son appétence au risque. Une politique de tolérance zéro face à la fraude doit être maintenue, ga-rantissant une réponse ferme et immédiate à toute allégation. Cette approche proactive permet à l’entreprise de renforcer ses capacités futures, d’améliorer la qualité de ses contrôles internes et de sensibiliser son personnel à travers une réflexion collective sur les risques encourus. 

Il est pertinent de se concentrer sur des processus clés où les enjeux financiers et les interactions avec des tiers sont nombreux, comme les achats”

Trois grandes étapes

Compte tenu de la diversité des organisations, il n’existe pas d’approche standard pour évaluer, identifier et atténuer les risques de fraude et de corruption. Toutefois, les bonnes pratiques, les normes internationales et autres principes directeurs publiés par des organismes professionnels peuvent être utilisés comme points de référence. L’essentiel étant de disposer d’une méthodologie d’évaluation des risques et d’une stratégie de remédiation bien structurées. L’entreprise doit d’abord définir ce qui relève des risques de fraude et délimiter clairement le cadre de l’évaluation. Le processus d’évaluation des risques en tant que tel consiste en trois grandes étapes :

D’abord, l’identification des risques de fraude et de corruption susceptibles de nuire aux opérations de l’entreprise et/ ou de la mettre à risque d’un point de vue éthique et juridique, en utilisant le triangle de la fraude ou toute autre théorie équivalente. Puis, l’analyse des risques consistant à déterminer le niveau d’exposition aux risques de l’entreprise en évaluant leur probabilité et leur impact. L’impact doit être pensé au-delà des aspects financiers en considérant les risques réputationnels et opérationnels notamment. Enfin, l’évaluation des risques identifiés vise à classer et hiérarchiser les risques les plus probables et les plus critiques. Une fois les risques de fraude et de corruption identifiés, analysés et évalués, l’organisation pourra élaborer des mesures de contrôle interne adaptées permettant de limiter le risque résiduel à un niveau acceptable pour l’entreprise. Il convient en particulier de veiller à ne pas ajouter de contrôles excessivement contraignants nuisant à l’atteinte des objectifs, ou facilement contournables.
En s’appuyant sur ces étapes, l’entreprise peut concevoir une cartographie des risques adaptée à ses spécificités et établir des mécanismes de contrôle interne proportionnés. Ces mécanismes visent à limiter les opportunités de fraude tout en assurant une fluidité opérationnelle.

Une culture axée sur la prévention et la vigilance

L’évaluation des risques de fraude et de corruption ne doit pas être perçue comme un exercice ponctuel, mais comme un processus continu qui évolue en fonction des changements dans l’entreprise, de ses activités et des menaces émergentes. Cela nécessite l’instauration d’une culture d’entreprise basée sur la vigilance, où chaque collaborateur est sensibilisé aux risques de fraude et où les contrôles internes sont constamment révisés et améliorés. Pour cela, il est crucial d’intégrer des programmes de formation réguliers, de suivre et ajuster les indicateurs de performance, et de garantir que les équipes en charge du contrôle interne et de la conformité disposent des moyens et des ressources nécessaires pour agir efficacement. Le recours à des experts externes peut aussi s’avérer utile dans les situations où des compétences techniques spécifiques sont requises.


Vers une gestion des risques proactive et renforcée

En intégrant l’évaluation des risques de fraude et de corruption à l’ensemble de leurs activités, et en portant une attention particulière aux processus clés comme les achats, les entreprises peuvent non seulement se prémunir contre les fraudes, mais aussi identifier des faiblesses structurelles dans leurs contrôles internes. Ce faisant, elles renforcent leur résilience face aux risques et contribuent à la mise en place d’un environnement commercial plus transparent et éthique. Ce processus va bien au-delà de la simple conformité à la loi Sapin 2. Il constitue un levier stratégique pour anticiper les menaces, améliorer l’efficacité opérationnelle et protéger l’entreprise contre les pertes financières et les dommages réputationnels. 

 

LES POINTS CLÉS

  • En intégrant l’évaluation des risques de fraude et de corruption à l’ensemble de leurs activités, et en portant une attention particulière aux processus clés comme les achats, les entreprises peuvent non seulement se prémunir contre les fraudes, mais aussi identifier des faiblesses structurelles dans leurs contrôles internes.
  • Bien que s’appuyant sur les bonnes pratiques et normes internationales, la méthodologie d’évaluation des risques et la stratégie de remédiation doivent être adaptées aux besoins et au contexte spécifiques de chaque entreprise.
  • Une évaluation proactive des risques de fraude permet de repérer les failles avant qu’elles ne soient exploitées et de renforcer la politique de prévention d’une organisation. 

 

SUR LES AUTEURS

Éloïse Rouget et Robin Souclier interviennent au sein du département Investigations, Diligence et Compliance de l’antenne française du cabinet Kroll, et assistent une variété de clients (corporate, institutions bancaires et financières, cabinets d’avocats, institutions publiques, etc.) en prévention, remédiation et investigations des problématiques de conformité et de fraudes internes et externes.

 

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Robin Souclier

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