Créé en 2017, Galembert Avocats accompagne ses clients à l’occasion de leurs contentieux d’actionnaires ou de gouvernance d’entreprise. Fidèle à sa ligne directrice – indépendance et agilité –, la boutique poursuit son développement et renforce son positionnement. Noémie de Galembert revient sur les évolutions du cabinet et les grands ­enjeux qui traversent la profession. Entretien.

Décideurs. Quels sont les événements qui ont marqué la vie de votre cabinet en 2023 ?
Noémie de Galembert. Notre cabinet poursuit son développement. L’activité affiche 30 % de croissance donc le marché continue de répondre fortement à notre offre. Nous sommes très sollicités et dans un pic d’activité durable dont l’origine est probablement liée à une tension conjoncturelle des gouvernances et à l’ADN du cabinet. Parmi les dossiers notoires de l’année : celui de Virginie Morgon, Nicolas Huet et Marc Frappier qui m’ont choisie pour les accompagner dans leurs négociations de sortie du Directoire du fonds coté Eurazeo. Le cabinet connaît par ailleurs une double tendance : le noyau se ­seniorise tandis que l’équipe continue à croître. L’année 2023 qui a connu la nomination d’un counsel et le recrutement de deux collaboratrices est une illustration claire de cette dynamique.

Qu’est-ce qui distingue votre cabinet de ses concurrents ?
Nous ne sommes chargés que de contentieux haut de bilan (différends entre actionnaires, problématiques de gouvernance et de liquidité, sujets de responsabilité ou de départ des dirigeants, conflits pré ou post-acquisitions). Dans la mesure où nous exerçons une activité technique et de niche, nous sommes visibles sur cette matière. Au-delà de cette compétence technique, on nous sait capables de prendre des risques pour nos clients en gardant une totale indépendance. Le dossier ­Primonial/Altarea en 2022 est un bon exemple. Compte tenu des enjeux et des acteurs de ce dossier, on aurait pu imaginer qu’un cabinet de taille plus importante soit choisi pour épauler les managers qui détiennent environ 20 % du capital en face de Bredin Prat et Weil Gotshal. Cette confiance des clients est un moteur formidable mais mon équipe est également ma force. J’ai autour de moi des gens ­extrêmement talentueux, impliqués et naturellement empathiques. C’est important, car nous accompagnons des personnes confrontées à des enjeux humains et patrimoniaux complexes.

L’année 2023 connaît i) un ralentissement du marché M&A qui a démarré en 2022 (les opérations lancées par les fonds de private equity ne représentent plus que 33,1 % des volumes totaux, soit près de 5 % de moins que lors du pic du quatrième trimestre 2021 source : Agefi) ii) des difficultés de financement. Cette conjoncture défavorable a-t-elle un impact sur le contentieux post-M&A ?

Oui, car nous sommes confrontés à des situations où les opérations sont décalées. Dans beaucoup de dossiers, des compléments de prix et des accords de liquidité sont assis sur des multiples d’ebitda qui ont été figés lorsque le marché était extrêmement favorable. Aujourd’hui, les acquéreurs souhaitent renégocier les accords avec les paramètres du marché actuel. Et pour renégocier le contrat, ils entrent dans des rapports de force, tentent de révoquer le dirigeant par exemple. Des situations qui n’auraient pas dû être conflictuelles le deviennent parce que certains engagements ont été pris sur des valorisations déconnectées de la réalité du marché. Elles naissent aussi du fait que lorsqu’un fonds veut sortir à horizon douze ou vingt-quatre mois, il est important pour lui de construire un business plan solide, ce qui accroît le risque de divergences stratégiques.

 

"C’est le dialogue entre ­avocats qui constitue la voie naturelle pour résoudre les litiges" 

 

En 2023, la démocratisation de l’IA a été fulgurante. Pensez-vous qu’elle peut intervenir dans certains aspects du processus contentieux ?
Nous intervenons dans des situations de rapports de force – entre dirigeants et actionnaires, acquéreurs et cédants, actionnaires minoritaires et majoritaires – souvent ­subtiles, toujours singulières. IA et sur-mesure sont parfaitement compatibles, à plus forte raison dans les dossiers techniques et exigeants et dans lesquels les clients requièrent un accompagnement d’excellence. Au fond, comme elle le fait déjà dans le cadre de chirurgies complexes, je pense que l’IA va nous aider à atteindre des résultats dans certaines configurations, mais qu’elle n’est pas près de nous remplacer. Il y aussi des aspects qui pourraient ou devraient demeurer l’apanage des cerveaux humains dont la négociation qui est centrale dans notre profession. Par nature, on est toujours meilleurs le lendemain que la veille en matière de négociation, car l’expérience en est la composante la plus essentielle. C’est aussi ce qui fait la richesse de ce métier dans lequel l’apprentissage est permanent et le cliquet de lassitude quasi inatteignable.  

L’IA présente aussi une limite dans la dimension relationnelle du métier d’avocat. Je suis convaincue qu’il faut beaucoup d’intelligence et d’expérience pour comprendre les tenants et les aboutissants humains dans notre métier. Il n’y a pas un dossier qui ressemble à un autre. Pour chaque cas, l’approche est différente. Nous nous adaptons en permanence à la personnalité des clients et des adversaires. Il y a des clients que je sens très vulnérables et je sais qu’il faut les accompagner en douceur. Je tiens compte de leur capacité à aller véritablement au point de rupture. Et à l’inverse, il y a des clients que je sais prêts à aller très loin, très vite. Les interactions et les stratégies sont nécessairement construites en intégrant ces facteurs.

 

"C’est quand la mer est calme que les situations conflictuelles diminuent" 

 

Le règlement amiable des litiges est au cœur de la stratégie mise en œuvre par le garde des Sceaux. Avez-vous constaté un recours grandissant à la médiation, notamment dans vos dossiers ?
Le contentieux est un outil, ce n’est jamais une fin en soi. Un client qui gagne un contentieux après cinq ans de procédure n’est pas nécessairement un client heureux.

Je pense que c’est le dialogue entre avocats qui constitue la voie naturelle pour résoudre les litiges. En revanche, lorsque nos clients n’ont pas envie que nous soyons les porte-­parole des faiblesses de leurs dossiers, la ­médiation peut être un outil utile.

Donc, quand les circonstances l’exigent, j’oriente volontiers le dossier vers une phase de médiation. Lorsque le contentieux ne peut pas régler la situation. Lorsque la situation devient trop urgente pour se payer le luxe du contentieux judiciaire. Lorsque ce que l’on peut demander en justice n’est en réalité pas l’objectif que l’on veut ­atteindre. Lorsque nous – avocats – ­n’arrivons pas à faire travailler nos clients ensemble pour trouver un nécessaire point d’équilibre. Dans ces situations, la médiation est précieuse. L’issue de la médiation ­dépend essentiellement de la qualité de son médiateur…

Quelles sont les grandes tendances de votre activité en 2023 ? Et celles que vous anticipez pour 2024 ?
Je perçois plutôt une tendance à l’accélération des conflits. Je pense que 2024 ne va pas être calme car le marché est plutôt tendu par l’environnement dans lequel les ’entreprises opèrent. Certaines entreprises ont du mal à servir des dettes prises sur des multiples colossaux par exemple. Quoi qu’il en soit, quand le secteur sous-jacent va mal, cela génère des conflits en haut du bilan. Mais l’humain est tel qu’il sait générer du conflit aussi en période de forte croissance justement parce l’envie de partager la valeur se fait plus rare. Le contentieux haut de bilan est un phénomène qu’on observe en creux des vagues, qu’elles soient de turbulence ou d’opulence. C’est quand la mer est calme que les ­situations conflictuelles diminuent.

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