Nicole Curti (ASWM et Capital Y) : "L’avenir de la gestion de fortune en Suisse passera par les gérants indépendants"

Nicole Curti. Il y a eu un gros changement réglementaire en Suisse. Les gérants indépendants sont désormais soumis à la surveillance de la Finma et doivent suivre un certain nombre de règles assez similaires à celles imposées aux banques, en matière de conformité, de gestion des risques, etc. Ce changement de loi pousse le marché des gérants indépendants à se professionnaliser.

Certaines petites entités de gestion de fortune, n’étant pas suffisamment structurées pour répondre aux exigences de la Finma, se sont concentrées exclusivement sur la partie family office de leur activité, ou ont rejoint les rangs de sociétés plus grandes et organisées.

Les nouveautés réglementaires ont changé le paysage de la gestion de fortune en Suisse. Tout le monde parlait de consolidation. Elle n’a pas vraiment eu lieu, même s’il y a eu quelques transactions. En revanche, de nouvelles sociétés ont été créées, souvent par des personnes plus jeunes qu’auparavant. Historiquement, le secteur s’est développé grâce à des banquiers privés disposant déjà d’une certaine expérience et qui se mettaient à leur compte.

Ils sont multiples. Chez Capital Y, nous faisons de la gestion de fortune discrétionnaire et multi-classes d'actifs. Outre les actions et les obligations, nous conseillons nos clients en private equity, dette privée et immobilier. Le marché non coté, autrefois difficilement accessible pour des gérants indépendants, s’est démocratisé avec différentes solutions et plateformes permettant d’y avoir accès plus facilement.

Nous fonctionnons avec un modèle puriste, sans produits maison ni rétrocessions. Nous ne sommes rémunérés que par le client. Il est important pour nous de maintenir cette ligne directrice. Par ailleurs, sans aller jusqu’à faire de la conciergerie, nous entrons beaucoup dans la vie de nos clients, en intervenant, le cas échéant, pour leur trouver les bonnes personnes, à la manière des family offices. Nous agissons ainsi comme un "single family office" pour de nombreuses familles qui ont le sentiment, chacune, que l’on ne travaille que pour elle.

D’autre part, nous sommes véritablement axés sur la NextGen, que ce soit en matière de thèmes d’investissement ou de formations en gestion de fortune pour cette nouvelle génération.

J’ai un avis assez tranché sur la question. L’avenir de la gestion de fortune privée passera par les gérants indépendants. Plus on avancera, plus le client privé comprendra qu’il faut décomposer la chaîne de services.

En tant que gérants indépendants, nous sommes paradoxalement totalement dépendants des banques, avec qui nous devons collaborer. Dans celles-ci en revanche, les conflits d’intérêts sont inévitables. Elles gèrent le dépôt des avoirs et le transactionnel, tout en vendant des produits maison à leurs clients, souvent avec des frais élevés. En outre, les meilleurs produits ne peuvent pas tous se trouver dans une même banque. L’indépendance dans le choix des banques et des produits est le b.-a.-ba.

Être totalement indépendants permet d’avoir une vision globale dénuée de conflits d’intérêts. À mon sens, nous allons observer dans les années à venir un accroissement du nombre de gérants suivant ce modèle. Il y a une vraie prise de conscience des banquiers qui sentent bien ce mouvement et recherchent de plus en plus des perspectives professionnelles auprès de ce type de structures.