Ingénieure de formation, Anne-Sophie Grave a passé presque toute sa carrière dans le domaine du logement social. Aujourd’hui à la tête de CDC Habitat, elle livre son regard avisé sur l’état du secteur, et trace des perspectives. Entretien.
Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?
J’ai commencé ma vie professionnelle dans le secteur bancaire. Je souhaitais compléter mon cursus d’ingénieure par une formation économique et financière. Ma bifurcation vers le domaine du logement est née d’une rencontre, celle d’un élu qui m’a proposé le poste de directrice de la maîtrise d’ouvrage du bailleur social Opievoy. C’est un secteur où l’on arrive parfois par hasard mais où l’on ne reste pas par hasard. J’ai ensuite assuré la direction générale avant de rejoindre le groupe SNI, désormais CDC Habitat, à la tête d’une filiale en Île-de-France. Puis, j’ai intégré le comité de direction de la Caisse des dépôts, en prenant la tête de la branche retraite et solidarité, poste qui a été pour moi une belle aventure professionnelle, ponctuée par le pilotage du développement du compte personnel de formation (CPF). J’ai souhaité revenir ensuite dans le secteur du logement, ce qui m’a amenée à la direction générale du groupe 3F, filiale d’Action Logement, puis à la présidence du directoire de CDC Habitat. Un poste passionnant, au périmètre élargi à l’ensemble des problématiques de l’habitat et de la ville de demain, qui couvre toute la chaîne du logement, jusqu’aux grands projets urbains, à l’image du Village des Athlètes pour les JO 2024.
Quels sont les grands défis que rencontre le logement social aujourd’hui ?
Nous faisons face à un contexte qui s’annonce plus complexe, résultant d’une conjonction de facteurs. D’une part, il nous faut revisiter la conception et les modes de production des logements, avec l’évolution des usages due à la crise sanitaire, des flux de populations qui se sont accentués des métropoles vers les villes moyennes, la loi Climat et le non-artificialisation des sols qui nous invitent à penser le recyclage urbain. D’autre part, les conditions économiques se tendent avec la guerre en Ukraine qui fait exploser les coûts de l’énergie et des matériaux de construction, l’augmentation des taux… Chez CDC Habitat, nous restons mobilisés en tant qu’opérateur global de l’habitat d’intérêt public pour mener à bien nos missions et produire un habitat mixte, sobre, inclusif et durable.
"La question du logement, c'est s'intéresser aux problématiques de l'habitat, de la conception des quartiers, de leur accessibilité en matière de transports, d'emploi, d'éducation, de sport, de culture"
Dans cette période difficile, la nomination d’un ministre délégué chargé de la Ville et du Logement était très attendue ?
Oui, et il est très important que ce ministère englobe la ville et le logement. Car aborder la question du logement, c’est plus largement s’intéresser aux problématiques de l’habitat, de la conception des quartiers, de leur accessibilité en matière de transports, d’emploi, d’éducation, de sport, de culture… C’est aussi trouver les bonnes solutions à chaque étape des parcours de vie. Enfin, c’est intégrer pleinement les enjeux de la transition écologique, majeurs pour le secteur.
Vous tenez beaucoup à l’innovation, un terme que l’on associe rarement avec le logement social ou intermédiaire…
C’est effectivement une impulsion que j’ai souhaité donner, tant sur l’innovation technique que sur les services clients. À titre d’exemple, nous développons avec des start-up le coliving, pour les jeunes mais aussi pour les seniors, nous travaillons sur la modélisation des données du bâtiment (BIM), les bâtiments connectés pour améliorer le pilotage des équipements et aller vers une maintenance prédictive, tout en permettant aux locataires de mieux maîtriser leurs charges… Nous venons aussi d’organiser six "hackathons des territoires" sur l’habitat de demain. Ces temps d’innovation ouverte avec nos parties prenantes ont permis de faire émerger des propositions sur des thématiques comme le logement frugal et abordable, l’adaptation au changement climatique, le logement des jeunes… Sur ces sujets comme sur les autres, nous nous devons d’être exemplaires.
Antoine Morlighem