Brune Poirson, l’héroïne des deux mondes
Les années indiennes
Brune Poirson commence sa carrière en tant qu’assistante parlementaire d’une élue travailliste à la Chambre des communes avant de rejoindre, en tant que chargée de mission, le National Endowment for Science, Technology and the Arts. C’est là qu’elle fait la rencontre du ministre indien de l’Innovation, Sam Pitroda, qui lui propose d’intégrer son cabinet. En 2009, Brune Poirson a 27 ans et s’envole donc pour New Dehli. C’est en Inde que son engagement environnemental commence à prendre forme, en travaillant notamment sur des projets liés à la distribution d’eau potable pour l’AFD puis Veolia, dont elle prend la direction du développement durable et de la responsabilité sociale d’une des filiales. Pendant ces années indiennes, face à l’imbrication des enjeux, elle se forge la conviction que la solution ne pourra pas être dogmatique, mais au carrefour du secteur privé, de la puissance publique et de l’activisme des ONG. Ces dernières ne seront pourtant pas tendre avec l’action du groupe en Inde : en 2013, les Amis de la Terre lui décernent le prix Pinocchio, dans la catégorie "Un pour tous, tous pour moi". Brune trace sa route.
Les années américaines
Direction Boston, toujours au sein de Veolia, où elle intègre un incubateur de startup vertes. Deux ans plus tard, en 2016, elle quitte l’entreprise pour lancer le think tank People for Global Transformation. Elle reprend également ses études à Harvard où elle obtient un Master en administration publique en 2017. De l’autre côté de l’Atlantique, Emmanuel Macron qu’elle a soutenu pendant la campagne, accède à l’Élysée et Hubert Védrine souffle son nom à Jean-Paul Delevoye, président de la commission d’investiture de La République en Marche pour les élections législatives. Il y a bien une place disponible dans le Vaucluse où elle a grandi, mais le défi s’annonce de taille puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, que du siège de Marion Maréchal-Le Pen, non candidate à sa réélection. Brune Poirson crée la surprise en l’emportant d’une courte tête (50,67 %).
"Les entreprises peuvent être porteuses d'une radicalité que les États ne peuvent souvent pas se permettre"
Les années Macron
À peine le temps de siéger au Palais Bourbon qu’elle est nommée Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, poste qu’elle occupera sous Nicolas Hulot, puis François de Rugy et Élisabeth Borne. Celle que l’on présente dans les couloirs de la macronie comme le "chouchou du président", agit discrètement mais résolument, sur des thématiques variées, notamment au niveau européen. Son plus grand fait d’armes : la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui contribue à "faire entrer l’écologie dans le quotidien des Français". L’occasion pour elle d’expérimenter concrètement les freins à la mise en oeuvre de la transition : "Les entreprises étant le plus souvent représentées par des associations professionnelles, on part du plus petit dénominateur commun, en se coupant l’accès aux acteurs les plus innovants." Sans compter le poids des lobbys, les logiques d’affrontement entre ministères… Mais elle en ressort avec la conviction que "le secteur privé a un rôle fondamental à jouer. Les entreprises peuvent être porteuses d’une radicalité que les États ne peuvent souvent plus se permettre". Les années Accor Non reconduite dans le gouvernement de Jean Castex, Brune Poirson referme une parenthèse politique pourtant promise à un bel avenir pour rejoindre le groupe Accor en mai 2021. Une forme de pressentiment que son action y serait plus utile, plus impactante, plus décisive. Sa mission : "Amplifier nos engagements en matière de préservation de l’environnement, donner un nouvel élan à nos actions en faveur des communautés au sein desquelles nous exerçons nos activités et porter haut, partout où nous sommes présents, la force de nos convictions et de nos actions", résume Sébastien Bazin, chief executive officer d’Accor. Elle travaille notamment à casser les silos pour intégrer pleinement les hôtels aux écosystèmes locaux et en faire des lieux à la fois exemplaires et contributifs pour les communautés.
Et si cette "héroïne des deux mondes", n’avait jamais aspiré, au fond, à n’en faire qu’un ?
Antoine Morlighem