Masser ses vaches pour obtenir un lait de qualité : voilà jusqu’où va Edmond de Rothschild Heritage, dans un souci permanent d’efficience de son écosystème et de sérénité des êtres qui le composent. Directeur général de cette branche du groupe Edmond de Rothschild dévolue à l’art de vivre, Fabrice Bourgeois nous en dévoile le fonctionnement et nous parle des grands sujets qui l’animent.

Décideurs. Pouvez-vous nous parler de votre fonctionnement et de vos différentes activités ? 

Fabrice Bourgeois. Nous nous inscrivons dans l’écosystème du groupe Edmond de Rothschild, qui intervient sur des activités bancaires, sportives, philanthropiques et d’art de vivre. Edmond de Rothschild Heritage regroupe trois pôles qui interagissent. Tout d’abord le vin, avec neuf domaines sur quatre continents, où nous composons avec les meilleurs terroirs et cépages, en partenariat avec des familles locales. Vient ensuite la branche hospitalité, dont le centre est Megève avec trois hôtels et neuf restaurants, mais qui comprend également le Palacio de Samaniego dans La Rioja espagnole. La nature constitue enfin notre troisième pilier, notamment à travers une ferme où nous produisons le dernier Brie de Meaux Fermier AOP, ou les pépinières de l’Ambre qui perpétuent le savoir-faire de l’art topiaire.

 

La durabilité est au cœur de vos projets…

La durabilité et la biodiversité sont des préoccupations omniprésentes sur l’ensemble de nos activités. Nous souhaitons améliorer leur bilan carbone et en assurer la pérennité. À la ferme des Trente Arpents, une unité de méthanisation a été mise en place. Elle permet de réutiliser tous les déchets de la culture, de l’élevage et de la fromageriepour produire du biogaz, qui sert à alimenter l’exploitation et l’équivalent de 2000 habitations alentour. Nous avons d’autre part noué un partenariat avec la start-up wAys, qui a mis au point un procédé optimisé de séchage du bois grâce au CO2 du méthanisateur – bois par ailleurs capable de capter le dioxyde de carbone, ce qui contribue à améliorer l’empreinteécologique de l’exploitation. Des panneaux photovoltaïques ont également été installés afin de nous faire bénéficier d’une certaine autonomie énergétique. C’est un ensemble vertueux que nous avons à cœur de faire vivre. Dans le viticole nous avons ainsi investi 18 millions d’euros sur le domaine de Château Clarke, afin de moderniser la propriété et pour encore améliorer les qualités organolpetiques du vin éponyme, tout en optimisant les processus et les consommations énergétiques.

 

"Tout a été réfléchi pour optimiser la consommation d’énergie"


L’Hôtel Four Seasons de Megève a été construit selon de hautes exigences environnementales et avec le concours d’entreprises locales. Ici aussi, tout a été réfléchi pour en optimiser la consommation d’énergie. De même, le Palacio de Samaniego veille à minimiser son impact environnemental, grâce à des puits géothermiques, l’isolation thermique des façades et du toit, des panneaux photovoltaïques, l’approvisionnement local, le potager privé… En outre, la culture et la préservation d’espèces végétales rares constituent le fondement des Pépinières de l’Ambre, à Sonnay, dans un souci continu d’entretien de la biodiversité et de perpétuationdes savoir-faire.

 

La notion de bien-être vous est aussi chère…

Nous possédons des ruches, présentes sur plusieurs sites, même à Paris sur le toit de notre immeuble, et produisons du miel. Cela s’inscrit dans notre préoccupation du bien-être du vivant, qu’il s’agisse de celui de nos employés ou de nos animaux. Nous avons par exemple installé des robots de traite – sorte de self-service pour les vaches, où elles viennent se faire traire d’elles-mêmes – ainsi que des machines à masser, améliorant leur confort et, in fine, la qualité du lait produit et la rentabilité des traites. Nous sommes ainsi passés de 26 litres de lait par vache et par jour à 35 aujourd’hui. À Megève, les 360 saisonniers que nous employons en haute saison bénéficient de logements de personnels spécifiques plutôt luxueux.

 

Comment vous adaptez-vous aux problématiques climatiques ?

Toutes nos activités sont touchées de près ou de loin par les aléas du climat. La neige, le gel, la grêle, l’excès d’eau, la sécheresse… Autant de conditions climatiques qui affectent les vignes, les exploitations, les stations d’altitude. Nous cherchons des moyens d’assurer la pérennité des activités en nous adaptant, en investissant, comme dans des tours à vent qui réchauffent la couche d’air froid au sol et qui protègent les bourgeons contre les gels, ou des solutions de conservation d’eau hivernale destinées à en restituer une partie en période estivale, quand les cultures en ont besoin.

 

"Nous cherchons des moyens d’assurer la pérennité des activités en nous adaptant, en investissant"

La transformation de bois en biochar, un charbon de bois pouvant être utilisé dans nos cultures, représente un axe sérieux d’évolution. La mise en conformité de nos exploitations en agriculture raisonnée avec le cahier des charges bio, quand nous le pouvons, participe à cet effort d’adaptation nécessaire. Nous essayons d’accompagner ces transformations, avec les contraintes que cela impose, afin d’accorder nos objectifs environnementaux aux exigences d’une rentabilité nécessaire.

 

À quel point vos initiatives visent-elles la rentabilité ?

Notre leitmotiv est de marier l’aspect patrimonial lié à la transmission aux générations futures – c’est le sens de notre nom – avec une rentabilité à court et long terme. Les activités doivent être autosuffisantes et générer le cash nécessaire aux investissements et à notre développement. Fatalement, la rentabilité est l’une de nos priorités.

 

Qu’envisagez-vous pour le futur d’Edmond de Rothschild Heritage ?

Nous avons mené d’importants projets ces trois dernières années, qu’il faut maintenant consolider. Cela nécessite encore du travail. Nous souhaitons optimiser les vendanges et améliorer la qualité du vin grâce à la vinification parcellaire. Le développement du biochar à la ferme est également important, à la fois en matière d’environnement et de rentabilité : le bois utilisé proviendrait de nos forêts et des déchets venant de scieries voisines. Il n’est pas exclu de compléter et d’enrichir nos activités, par exemple avec un domaine viticole en Italie où nous ne sommes pas encore présents. Nous menons pareillement des réflexions autour de la truffe et des chênes truffiers, ou du changement des habitudes alimentaires. Nos projets entreront toujours en harmonie avec les valeurs d’audace, d’innovation et d’excellence du groupe, avec la volonté de marier tradition, savoir-faire et modernité.

 

Propos recueillis par Marc Munier

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