Yann Galet (G Consult Finance) : "Nos concurrents de demain seront probablement les assistants numériques développés par les Gafa"
Décideurs. Quelles sont les évolutions notables du métier de family officer ?
Yann Galet. Depuis des années, nous vivons une évolution du métier du conseil qui nous conduit à maîtriser de nombreuses matières, aussi vastes que complexes, telles que le droit, le civil, l’expertise comptable ou encore les prévoyances. Récemment, les clients nous posent de plus en plus de questions concernant la technologie, la sécurité de leurs données, et les processus automatisés, du fait de la montée en puissance des fintechs et des actifs numériques, ce qui nous impose une nouvelle compétence à apprendre, la cybertechnologie. Il est indispensable que nous nous mettions à niveau pour que les familles continuent à nous confier leurs informations sensibles avec la meilleure protection possible.
La transformation numérique est un réel sujet, comment l’appréhendez-vous ?
Ces notions d’informatique deviennent indispensables et nous mettent en concurrence face à certaines fintechs. Nous pouvons comparer le family officer à un "super-assistant", là où les logiciels d’assistance numérique vont finir par nous concurrencer. Au fur et à mesure que les Gafa collectent une multitude de données sur chaque individu, leur "super-assistant", créé à partir de l’intelligence artificielle, va un jour être capable d’être mis à disposition du client final aussi vite et aussi bien que le travail d’une équipe de dix personnes au sein d’un family office. Nos concurrents de demain sont probablement les Gafa, alors qu’aujourd’hui certains clients nous perçoivent plutôt en concurrence avec leurs banques privées haut de gamme.
Que pensez-vous des MFO numériques ?
C’est très pertinent d’explorer ces voixlà car c’est un outil facilitateur de notre métier. Il vient améliorer l’efficience de la gestion en interne du MFO. C’est donc une très bonne idée de le mettre entre les mains des conseils de la famille, ainsi que chaque membre de la famille dès à présent. En revanche, il est fondamental que la sécurité et les accès aux données soient à la portée du client final, pour qu’il se réapproprie ses propres informations, et c’est ce sur quoi porte notre outil numérique. L’idéal est que le client puisse "nourrir" quotidiennement, sans effort, notre base de données commune.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cet outil ?
Nous avons trop souvent pris en otage les clients via la détention de leurs informations, au point où c’était aussi grave si le conseiller disparaissait que si c’était le patriarche, pour ce qui est de la transmission. L’objectif de Sève est de ne plus être indispensable à la conservation et la transmission des données et des valeurs familiales d’une génération à une autre, pour laisser ce rôle à cette nouvelle technologie. Bien sûr, nous ne sommes pas cantonnés à une seule source d’information, l’alimentation de la base de données proviendra de sources multiples, notamment publiques. Sève permettra de les interpréter, quelle que soit l’origine de leur saisie, pour les rendre simples et intelligibles.
Comment voyez-vous l’avenir de votre profession ?
Je pense que 80 % des métiers d’aujourd’hui seront transformés demain. Un bon family officer doit passer par la case transition numérique pour ne pas passer à côté de l’évolution de la profession. De ce fait, il est indispensable que les conseils soient formés à ces problématiques, sinon je crains que notre valeur ajoutée perçue devienne trop faible pour que nous puissions être suffisamment rémunérés et rester viables.
Propos recueillis par Marine Fleury