Alain Zell (Capitalium) : "L’évolution réglementaire en Suisse a bousculé le monde des gérants"
Décideurs. Quelles sont les principales tendances que vous observez actuellement dans le marché de la gestion de fortune en Suisse ?
Alain Zell. Ces dernières années, l’évolution réglementaire en Suisse a bousculé le monde des gérants. En effet, tous les gestionnaires de fortune indépendants sont dorénavant obligés d’obtenir une autorisation auprès de la Finma pour exercer leur activité. Cette contrainte a fait émerger deux principales tendances : d’une part, plus de 1 000 acteurs ont pris la décision de se retirer et d’abandonner le métier, réduisant de près d’un tiers les acteurs de cette industrie. D’autre part, on observe une timide consolidation qui s’exerce principalement entre les acteurs de taille importante. Pour être honnête avec vous, nous pensions que la consolidation serait plus marquée et plus rapide. Force est de constater que la nouvelle réglementation, bien que contraignante, autorise encore de nombreuses exceptions permettant aux acteurs de type "one man show" de survivre.
"Les gestionnaires de fortune indépendants sont dorénavant obligés d’obtenir une autorisation auprès de la Finma pour exercer leur activité"
La pratique des rétrocessions, bien que dorénavant très encadrée, est toujours tolérée. Ainsi, certains gestionnaires de fortune continuent l’exercice du métier avec un modèle d’affaires obsolète. Gardons à l’esprit qu’une fois l’autorisation accordée par la Finma, le gérant doit réaliser un audit annuel assez pointu. Nous pourrions donc voir à terme une nouvelle vague de consolidation de gérants qui réalisent que leur organisation ne permet plus de rester concurrentiels.
Comment vous positionnez-vous face aux grands acteurs qui se rapprochent pour n’en former plus qu’un ?
Notre modèle d’affaire s’appuie sur notre capacité à offrir à nos clients un service sur mesure. Cela implique un nombre limité de clients et une société à taille humaine afin de garder flexibilité et indépendance. Les acteurs importants font face à la même problématique que les banques et, à mon sens, perdent les avantages qu’offre le gérant indépendant. Capitalium n’est pas forcément intéressée à se rapprocher d’autres entités pour augmenter ses actifs ou réduire ses coûts. Nous cherchons avant tout des partenariats intelligents qui nous permettent de développer notre offre et nos compétences. C’est dans cet esprit que nous avons conclu une joint-venture en début d’année avec le groupe Intuitae, family office européen important.
La consolidation influence-t-elle le rapport aux clients ?
Je ne pense pas que cela puisse influencer le rapport au client. La confiance s’installe au fur et à mesure des étapes de la vie d’une famille. C’est dans ce cadre que nous nous sommes rapprochés du groupe Intuitae avec la création de l’entité ICSA, Intuitae Capitalium SA.
Pourquoi avoir choisi Intuitae ?
Nous travaillons à la confiance et au feeling. Nous connaissions Christophe Achard et Luc Granger, les fondateurs du groupe, depuis plus de vingt ans. Leur modèle d’affaires, leur méthodologie de travail et leur professionnalisme font écho à notre conception du métier.
Comment anticipez-vous le marché de la gestion de fortune en Suisse dans cinq ans ?
Si les banques ont opté pour la standardisation, le métier de gestionnaire indépendant offre des services personnalisés. Les clients fortunés ne veulent pas être des numéros mais attendent des prestataires une offre adaptée à leurs besoins spécifiques. La Suisse a de beaux atouts à mettre en avant (stabilité politique, monnaie…) qui vont lui permettre de garder son statut "d’eldorado" de la gestion de fortune, et plus la réglementation sera scellée, plus sa place sera dorée, car cela met le client en confiance. La Suisse a de belles années devant elle.
Propos recueillis par Marine Fleury
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