Pourquoi les cabinets de gestion de patrimoine cherchent-ils à se regrouper ? Quels sont les défis auxquels sont confrontés les multi-family offices ? Sandrine Genet, présidente cofondatrice de Carat Capital, partage son analyse sur cette dynamique de consolidation et ses implications pour l’avenir du secteur.
Sandrine Genet (Carat Capital) : "La beauté de notre modèle réside dans l’architecture ouverte qui doit être conservée"
Décideurs. Quels sont les principaux facteurs qui poussent les cabinets à se regrouper ?
Sandrine Genet. Il y a une professionnalisation du métier et un élargissement des champs d’intervention qui amènent les CGP à se rendre compte qu’il est compliqué d'adresser tous ces sujets seuls. Cela est vrai aussi bien au niveau des contraintes telles que la réglementation et l’administratif que pour des sujets de diversification de l’offre, comme le private equity ou les produits structurés sur mesure. Le fait de rejoindre un cabinet de taille plus importante permet donc aux CGP de plus petite taille de continuer à faire leur métier et se recentrer sur leur métier principal en ayant de nouvelles cordes à leur arc.
D’autres créent des plateformes au sein desquelles des CGP peuvent adhérer et trouver la conformité, la gestion de back-office et un accès à une gamme de produits plus élargie et des solutions d’investissement plus sophistiquées. Aujourd’hui, si l’on veut développer des services en interne, il faut avoir une taille critique qui implique de grandir.
Quel est votre regard sur cette dynamique ?
Je considère que c’est un mouvement positif pour le métier. Cela ne correspondra pas à tout le monde et il est plutôt sain qu’il continue de coexister des CGP de tailles différentes. Par ailleurs, la consolidation aidera probablement sur les sujets de transformation numérique et d’intelligence artificielle. Elle donnera également plus de force au secteur pour pouvoir défendre sa position de place et être compétitif à l’avenir. Enfin, les rapprochements sont aussi l’occasion de faire entrer au capital les collaborateurs et de partager la valeur. C’est une forte conviction chez nous, et une très bonne façon de fidéliser et faire grandir ses collaborateurs.
Comment cette consolidation affecte-t-elle la relation avec les clients ?
Il n’a pas fallu attendre les regroupements pour qu’il y ait des visions d’approche client très différentes. Certains ont des visions très financières de leur métier, d’autres beaucoup plus centrées sur le client. Je suis convaincue que les CGP qui rejoignent les « consolidateurs » ont toutes les capacités de comprendre auprès de qui ils se rapprochent. À eux de faire les bons choix.
Qu’en est-il des multi-family offices ?
Les MFO n'ont pas les mêmes problématiques que les CGP. Par essence, un MFO ne va pas avoir 500 clients et, par conséquent, pas les mêmes contraintes, notamment réglementaires. Le sujet majeur pour les MFO concerne la pérennité de leur activité. Beaucoup de MFO sont de très petites structures, menées par un ou deux dirigeants qui gèrent les clients, et peu de collaborateurs. Le sujet de la pérennité de ces structures se pose quand les dirigeants approchent de la retraite, la structure n’ayant peut-être pas la capacité ou les ressources pour assurer le suivi de la relation client. Se rapprocher d’autres structures me paraît alors pertinent, car il existe bel et bien une problématique pour des raisons de pyramide des âges. Cela étant dit, envisager la consolidation sous un angle financier, avec des économies d’échelle et des marges complémentaires, aura pour conséquence d’aligner les process, ce qui est l’antithèse des MFO.
Quels points d’attention voyez-vous ?
Le marché est particulièrement riche, avec une offre pléthorique, unique en Europe, et qui fonctionne car les cabinets de CGP sont nombreux. Si demain 90 % du business est fait par trois sociétés qui ont internalisé tous les services, l’offre va s'appauvrir, en nombre et en qualité. Cela aurait un effet regrettable pour les épargnants. C’est mon inquiétude. La richesse de l’offre crée aussi la qualité de notre service.
En outre, intégrer une société de gestion permet d'être plus efficace dans l’exécution et donc de mieux servir les clients, mais si une telle opération amène à commercialiser ses propres produits, cela dénature le métier de CGP. La beauté de notre modèle réside dans l’architecture ouverte qui doit être conservée.
Propos recueillis par Marc Munier
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