Tous les ans, la loi de finances votée en fin d’année contient des modifications législatives qui peuvent avoir un impact sur votre fiscalité, votre gestion de patrimoine et celle de votre entreprise. Lombard Odier fait le point sur les changements notables prévus en 2024.
En préambule, relevons que la loi de finances 2024 n’introduit pas de changement majeur. Toutefois, elle témoigne malgré tout de certaines offensives, plus ou moins fructueuses, contre certaines niches fiscales. Le point au travers de trois thèmes spécifiques.
 
Transmission d’entreprise : des attaques infructueuses sur le régime dutreil
Ce qui prévalait jusqu’à présent : le dispositif Dutreil est un régime fiscal très avantageux notamment pour les entrepreneurs. Il permet de transmettre une entreprise en bénéficiant d’un abattement de 75 % sur la valeur de celle-ci pour le calcul des droits de donation et succession. Ce qui revient, peu ou prou, à diviser par quatre le montant de ces droits. Un tel avantage s’explique par son objectif affiché : éviter que le paiement de l’impôt n’entraîne une cession de l’entreprise, notamment à des investisseurs étrangers, avec pour effet indirect de prévenir des délocalisations potentielles et des pertes d’emploi. Tout ceci se traduit notamment par une condition sine qua none au bénéfice de l’exonération partielle : une obligation de conservation par le bénéficiaire de la transmission d’une durée de quatre ans. Les débats ont été vifs à ce sujet. Certains amendements ont même proposé purement et simplement sa suppression. Mais cela n’a pas été retenu.
Ce qui change : en définitive, peu d’éléments sont modifiés. Nous assistons plutôt à une légalisation de la possibilité de bénéficier du Dutreil dans certaines situations qui étaient jusqu’ici tolérées par l’administration fiscale et les tribunaux. Il s’agit notamment : - des titres de sociétés exerçant des activités mixtes, opérationnelles et civiles, à condition que l’activité opérationnelle soit prépondérante ; - des titres de sociétés dites holdings animatrices, ayant pour objet d’animer les participations d’un groupe de sociétés. Toutefois, les conditions pour bénéficier du dispositif Dutreil dans ces situations restent, parfois, sujettes à interprétation. Il est nécessaire de faire preuve de vigilance. Enfin, il est à noter que la location meublée professionnelle a été exclue expressément du dispositif Dutreil.
 
Réinvestissement après un exit : assouplissement des règles à respecter par les fonds éligibles au dispositif 150-0 b ter
Ce qui prévalait jusqu’à présent : le dispositif de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts est un procédé largement utilisé par les entrepreneurs lorsqu’il est question de "réaliser un exit" (c’est-à-dire vendre l’entreprise) tout en ayant pour projet de réinvestir le produit de la cession dans certains investissements dits économiques. Il consiste à apporter, avant la vente, les titres de l’entreprise à une holding dont l’apporteur a le contrôle. Ceci permet de bénéficier d’un report de l’impôt de plus-value sur les titres de l’entreprise. En contrepartie, la holding doit procéder au réinvestissement de 60 % du prix de cession des titres apportés dans des activités éligibles dans les deux ans qui suivent la cession.
Ces réinvestissements peuvent s’opérer :
  • soit dans le financement des moyens permanents d’exploitation affectés à l’activité opérationnelle de la holding ;
  • soit dans la souscription au capital initial ou à une augmentation de capital de sociétés européennes ;
  • soit dans l’acquisition d’une fraction du capital ayant pour effet de lui conférer le contrôle de sociétés européennes ;
  • soit dans un fonds d’investissement remplissant un quota de 75 % d’investissement dans des sociétés éligibles.
Ce qui change : la loi est plutôt favorable puisqu’elle assouplit les règles de composition du quota de 75 % à remplir par les fonds d’investissement : elle a ainsi pour effet de faire entrer dans ce quota, dans la limite de 10 % du montant total de l’investissement dans la société par l’organisme :
  • les parts ou actions acquises ne conférant pas le contrôle de la société (ou lorsque le fonds ou la société, partie prenante à un pacte d’associés, n’aboutit pas à une détention de plus de 25 % du capital) ;
  • les titres donnant accès au capital de la société, d’avances en compte courant ou de titres de créance émis par la société. En élargissant le quota, la loi facilite les investissements dans les fonds, et donc indirectement la mise en disposition de capitaux au profit des PME.
 
Un durcissement de la fiscalité immobilière
Le législateur et le gouvernement semblent souhaiter un durcissement progressif de la fiscalité immobilière, notamment en ce qui concerne le statut de loueur en meublé professionnel et les biens immobiliers détenus en société.
 
La location meublée
Ce qui prévalait jusqu’à présent : le régime du loueur en meublé non professionnel est considéré comme une niche fiscale par certains investisseurs immobiliers puisqu’il permet de diminuer les revenus locatifs imposables en déduisant l’amortissement du bien, tout en bénéficiant d’un régime de plus-value favorable en cas de revente. À côté de ce régime qui implique de tenir une comptabilité, il existe également un régime simplifié dénommé "micro-BIC" qui permet de bénéficier d’un abattement forfaitaire de 50 % sur les revenus de location meublée. Pour les locations de tourisme qui obtiennent un classement, cet abattement atteint même 71 %. Le "micro-BIC" s’applique de plein droit lorsque le chiffre d’affaires hors taxe de l’avant-dernière année ou de la dernière année n’excédait pas 188 700 euros pour les meublés de tourisme classés et les chambres d’hôtes et 77 700 euros pour les autres activités de location meublée.
Ce qui change : la loi de finances s’attaque au régime micro dont bénéficient les locations meublées touristiques non classées : elle instaure un nouveau plafond de chiffre d’affaires fixé à 15 000 euros et abaisse le taux de l’abattement forfaitaire de 50 % à 30 %. En revanche, les locations meublées touristiques classées conservent le plafond de chiffres d’affaires de 188 700 euros ainsi que le taux de l’abattement forfaitaire de 71 %. Pour celles situées en zone rurale, elles pourront même bénéficier d’un abattement supplémentaire de 21 %. Cet abattement s’applique cependant sous réserve que le chiffre d’affaires hors taxe, le cas échéant ajusté prorata temporis, afférent à l’ensemble des activités de location meublée n’excède pas 15 000 euros l’année précédente.
 
La valorisation des parts de sociétés détenant des biens immobiliers soumis à l’IFI
L’autre durcissement concerne l’impôt sur la fortune immobilière et plus précisément la valorisation des titres des sociétés qui détiennent des biens immobiliers. Ce qui prévalait jusqu’à présent : l’impôt s’applique à la valeur nette des titres de sociétés. En principe, cette valeur correspond à la valeur des actifs de la société, diminuée du montant du passif, c’est-à-dire des dettes contractées par la société sans considération de l’affectation de ces dettes. Autrement dit, la plupart d’entre elles étaient jusqu’ici déductibles, même celles dont l’objet n’était pas d’acquérir le bien immobilier détenu par la société.
Ce qui change : c’est ce dernier point qui a été remis en cause. Désormais, seules les dettes qui ont pour objet d’acquérir le bien immobilier seront déductibles. Lors du calcul de l’impôt sur la fortune immobilière, cela revient donc à augmenter la valeur imposable de certaines sociétés civiles immobilières ayant des dettes non affectées. 

Sur l'auteur
Valérie Montel est responsable de l’ingénierie patrimoniale de Lombard Odier en France depuis 2009. Elle accompagne les entrepreneurs, notamment fondateurs de start-up et les clients privés dans l’organisation de leur patrimoine et de la protection de leurs proches.

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