L’Impact Tank - think tank à l’initiative du GROUPE SOS, d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, et de quatre universités (Sciences-Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine) – a monté en février dernier un collectif d’acteurs privés soucieux de progresser sur l’évaluation de leur impact dans les territoires. L’un des objectifs du groupe de travail qui en émane est l’élaboration d’un référentiel d’indicateurs de mesure d’impact de l’action territoriale des entreprises. L’occasion de faire le point sur 8 mois.
La mesure d’impact, baromètre de l’ancrage territorial
En 2022, une enquête Harris Interactive et ESS France dévoilait que 96% des Français estiment que les entreprises devraient avoir une responsabilité territoriale. Si les attentes sont élevées quant à l’engagement des acteurs privés sur le territoire, quel est la teneur de leur impact à l’échelle locale ? Depuis février, l’Impact Tank étudie les bonnes pratiques de coopération entre les grandes entreprises, les TPE-PME, et les acteurs de l’ESS qui développent des innovations sociales. Ces collaborations multiples témoignent de la volonté des acteurs de répondre aux besoins qu’ils identifient dans les territoires. Quant aux mesures d’impact, elles prouvent que c’est précisément en étant au plus près de ces besoins que l’entreprise renforce son impact. En d’autres termes, plus l’entreprise capitalise sur les spécificités locales, plus elle contribue à la revitalisation du territoire, elle-même source de performance sociale (cohésion, lien social, bien être). L’équipe de chercheurs et le Laboratoire d’évaluation d’impact social de l’ESSEC Business School ont ainsi mis en évidence une corrélation entre des indicateurs d’impact et des indicateurs d’ancrage territorial.
Une bonne nouvelle si l’on considère que le territoire est l’échelle pertinente pour traiter les questions écologiques et sociales. En 2021, l’ADEME développait différentes stratégies à mettre en place pour atteindre la neutralité carbone en 2050, parmi lesquelles la coopération territoriale. Un territoire dont les entreprises sont interdépendantes et collaborent avec les acteurs locaux maintiendrait une certaine cohésion sociale et serait en bonne voie pour atteindre l’objectif de neutralité carbone.
Des collaborations innovantes pour affiner la réponse aux besoins des territoires
Contre l’incertitude du climat économique rappelée par les points de conjoncture de l’INSEE, la coopération est une voie privilégiée vers la résilience ; aussi, de nouvelles formes de coopération se tissent entre les acteurs privés, les acteurs territoriaux (collectivités, départements, régions) et issus de la société civile. Des alliances dont la réalisation dépend de nombreux facteurs : identifier un objet commun à tous les acteurs, fédérer autour de valeurs partagées, permettre des espaces de délibération pour assurer le consensus... La vitalité de cet écosystème repose sur la volonté de l’ensemble des acteurs impliqués, et notamment des acteurs publics. En effet, ces derniers tendent davantage à composer avec les entreprises, véritables actrices de la gouvernance territoriale lorsqu’elles sont à même de participer à l’élaboration des besoins et intérêts collectifs. L’intérêt des entreprises pour la chose publique est une force, comme le rappelait le rapport du Labo de l’ESS sur la transition juste (2023) : la transition écologique passe par une participation active de chaque acteur du territoire au processus décisionnel.
La RSE : d’un critère d’engagement à un critère de performance globale des entreprises
En 2019, la loi PACTE consacrait la notion de RSE engagée, conciliant intérêts privés et lucratifs avec les aspirations sociétales et environnementales. Quatre ans plus tard, l’avis de France Stratégie fait de la RSE une composante de la performance globale de l’entreprise, qu’elle définit comme non seulement financière, mais environnementale et sociale. En son centre, la mesure d’impact y apparaît comme un outil pour penser un modèle d’affaires plus durable. La RSE est au cœur de l’agenda européen, en témoigne la directive sur le reporting de durabilité des entreprises européennes (CSRD) qui devrait entrer en vigueur en janvier 2024. Loin d’être un poids, les obligations extra-financières des entreprises questionnent le sens de l’entreprise et de son engagement, qui peut précisément trouver un champ d’expression dans les territoires. Il est clair que l’interdépendance de l’entreprise avec son écosystème territorial n’exclut pas la création de valeur, au contraire, puisque grâce à son ancrage local, l’entreprise peut faire du territoire un facteur de succès pluriel, tant du point de vue social qu’économique. Progressivement, la logique s’inverse : hier appelées essentiellement à limiter leur impact négatif, les entreprises sont aujourd’hui considérées comme des acteurs du changement ; des partenaires à même de contribuer à la transition énergétique et à l’inclusion sociale. Les entreprises engagées ont donc tout intérêt à placer la mesure d’impact au cœur de leurs pratiques, pour démontrer la valeur de leur action sur le territoire.
Les signataires de la tribune
Tony Bernard, Directeur général de l’Impact Tank
Timothée Duverger, Ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux, Rapporteur du groupe de travail de l’Impact Tank sur l’engagement des entreprises dans les territoires
Isabelle Aprile, Directrice de l’innovation sociétale de Sodexo Groupe et Directrice des Affaires Publiques de Sodexo France
Carine de Boissezon, Directrice de la Direction Impact, EDF
Cédric Conrad, Directeur du développement durable, Loxam
Fanny Demulier, Directrice du pôle raison d'être et parties prenantes, Veolia
Alexane Gerard, Responsable Projets RSE Innovation/ Réglementation, AXA France
Géraldine Olivier, Directrice RSE Groupe, Fnac Darty
David Sève, Directeur des engagements et de la Fondation Nature & Découvertes
Cédric Turini, Directeur exécutif du développement coopératif et sociétal, Fédération nationale des Caisses d’Epargne