Mardi 27 février, le Parlement européen a adopté à une large majorité la révision de la directive sur la protection de l’environnement par le droit pénal. La criminalité environnementale occupe la quatrième place sur le podium des activités criminelles les plus importantes au monde.
Quatrième fléau mondial après le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et la traite des êtres humains, la criminalité environnementale rapporterait jusqu’à 281 milliards de dollars aux délinquants. La directive de révision qui avait fait l’objet d’un accord par le Parlement et le Conseil en novembre de 2023, vient d’être entérinée par le Parlement, avec l’assentiment général : 499 voix pour, 100 contre et 23 abstentions. C’est l’une des législations les plus ambitieuses au monde pour lutter contre les crimes environnementaux selon l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint.
Air d’écocide
La liste des infractions de la directive a été mise à jour. Elle inclut le commerce illégal du bois, l’épuisement des ressources en eau, les violations graves de la législation européenne sur les substances chimiques et la pollution causée par les navires. Nouveauté, la directive vise des infractions dites "qualifiées" : les incendies de forêt de grande ampleur ou une pollution généralisée de l’air, de l’eau et du sol, qui dégradent les écosystèmes, etc. “Un petit air d’écocide qui ne dit pas son nom…”, selon Marc Mossé, avocat chez August Debouzy sur LinkedIn. La notion d’écocide divise. Les instances européennes l’avaient donc écartée.
“Quiconque occupant un poste de direction dans une société polluante pourra être tenu responsable, au même titre que la société en tant que telle”
Le Parquet européen a un rôle à jouer si les infractions sont transfrontalières. La coopération entre les autorités nationales sera de mise également. Que se passera-t-il pour les responsables ? Ils pourraient être obligés de restaurer l’environnement dégradé et de compenser les dégâts occasionnés et risquent dix ans derrière les barreaux si l’infraction a causé la mort, huit à défaut. Les entreprises pourront risquer des amendes dont le montant pourra atteindre jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial ou 40 millions d’euros. Pour le rapporteur néerlandais Antonius Manders du parti Démocrates-Chrétiens, “grâce à cet accord, les pollueurs seront sanctionnés. En outre, quiconque occupant un poste de direction dans une société polluante pourra être tenu responsable, au même titre que la société en tant que telle, ce qui constitue une avancée majeure”. Et de conclure que la révision de la directive dissipe un flou juridique : “Avec l’introduction du devoir de prudence, il n’y a plus aucun moyen de se cacher derrière des permis ou de profiter de failles législatives.”
Pour accompagner le durcissement des règles, les États européens devront former policiers, juges et procureurs et fournir un soutien aux lanceurs d’alerte qui s’aventureraient à signaler des infractions environnementales. Ils se sont également engagés à mettre en place des stratégies nationales en la matière et à diffuser des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la criminalité environnementale. Les États membres auront deux ans pour transposer dans leur droit national la directive qui entrera prochainement en vigueur.
Anne-Laure Blouin