C’est le troisième train de mesures sur l’économie circulaire proposé par Bruxelles pour honorer son greendeal et son objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. La proposition du 22 mars 2023 pose des critères communs pour lutter contre l’écoblanchiment et les allégations environnementales trompeuses.

"T-shirt fabriqué à partir de bouteilles en plastique recyclé", "livraison avec compensation de CO2" , "emballage comprenant 30% de plastique recyclé" ou "protection solaire respectueuse des océans". Autant de formulations ou d’"allégations explicites" avec lesquelles l’Union européenne souhaite en découdre, 53,3% d’entre elles étant vagues, trompeuses ou infondées, et 40% n’étant pas étayées selon une étude de la Commission de 2020. Avec un nouveau train de mesures dont une meilleure information, Bruxelles veut permettre aux consommateurs européens de consommer de façon durable.

"Bananes neutres en carbone"

Une préoccupation présente au sein des instances européennes depuis l’adoption du Pacte vert lancé en 2019. Déjà le 30 mars 2022, Didier Reynders, commissaire à la Justice, affirmait déjà que "si nous ne commençons pas à consommer de manière plus durable, nous n'atteindrons pas nos objectifs du pacte vert pour l'Europe, c'est aussi simple que ça". Et de poursuivre : "Alors que la plupart des consommateurs sont prêts à faire leur part, nous assistons également à une multiplication des pratiques d’écoblanchiment et d'obsolescence précoce." Raison pour laquelle les labels environnementaux, qu’ils soient publics ou privés, sont également couverts par le texte. Il en existe actuellement au moins 230, et cette prolifération constitue une "source avérée de confusion et de méfiance chez les consommateurs". La création de nouveaux labels publics sera interdite sauf à ce que ceux-ci soient conçus sur le plan de l’Union européenne. Quant aux systèmes privés, ils seront tenus à un "niveau d'ambition environnementale plus élevé que les systèmes existants". Les émetteurs de labels privés seront également soumis à autorisation préalable. Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l'Europe, explique que parmi les allégations écologiques ("T-shirts respectueux des océans, bananes neutres en carbone, jus respectueux des abeilles") se nichent aussi des promesses comme celles des "livraisons avec compensation de 100% des émissions de CO2, etc.". Ce type de publicité "écolo" est aussi dans le viseur de la commission. Selon le communiqué de Bruxelles, "les entreprises devraient se concentrer sur la réduction des émissions au sein de leur propre organisation ou chaîne de valeur". Et ne pas se contenter d’une action qui soi-disant compense leur empreinte écologique, planter un arbre par exemple. L’Union européenne attend des entreprises de la transparence, c’est-à-dire qu’elles dissocient clairement "la partie de l'allégation qui concerne leurs propres activités de la partie qui repose sur l'achat de compensations". Le texte prévoit en outre des règles relatives à l’intégrité et à la comptabilisation des compensations.

Rétablir la concurrence

Certaines allégations vont survivre : celles qui sont couvertes par les règles existences de l’UE (label écologique de l’UE ou logo des denrées alimentaires biologiques) ou celles qui seront couvertes par des dispositions futures de l’UE. Elles devront toutefois être vérifiées de manière indépendante et étayées par des preuves scientifiques. Et ce, avant leur communication aux consommateurs par les entreprises. Rentrent en ligne de compte toutes les allégations volontaires concernant les incidences, les performances ou les aspects environnementaux d'un produit, d'un service ou du professionnel lui-même. "Toutes les incidences environnementales qui sont réellement pertinentes pour leur produit" devront être recensées par les entreprises.

Les organisations de consommateurs pourront intenter des actions en justice pour protéger leurs intérêts collectifs. Mais elles ne sont pas les seules bénéficiaires du texte. L’idée est aussi de rétablir une concurrence équitable entre les entreprises qui font de réels efforts pour améliorer la durabilité environnementale de leurs produits et celles qui se contentent de brandir des allégations trompeuses.

Chemin vers la neutralité climatique

Cette proposition de directive suit les premier et deuxième trains de mesures sur l’économie circulaire adoptés en mars et novembre 2022. Celui de mars couvrait l'écoconception des produits durables, les textiles et la dotation des citoyens en moyens d’action en faveur de la transition écologique. Un des textes présentés le 30 mars 2022 par la Commission pour lutter contre les pratiques commerciales trompeuses doit d’ailleurs permettre au consommateur d’agir en justice contre l’entreprise en matière d’écoblanchiment et d’obsolescence programmée. Il est toujours en cours de négociation. Quant à celui de novembre, il concernait les emballages, les plastiques biodégradables, biosourcés et compostables et la certification européenne des absorptions de carbone.

Pour atteindre l’objectif de neutralité climatique, l’Union européenne charbonne. Le 10 novembre dernier, le Parlement européen a adopté la directive CSRD, un texte qui oblige les entreprises à fournir des informations détaillées sur leur impact environnemental et social. En décembre, Parlement et le Conseil de l’UE sont tombés d’accord sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). "Une première mondiale pour le climat", avait salué Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement européen sur Tweeter. La proposition de directive du 23 mars 2022 sur les allégations écologiques doit encore recueillir, après négociations, l'approbation du Parlement européen et du Conseil.

Anne-Laure Blouin

 

 

 

 

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