Bureau : des salariés plus exigeants
Cette huitième édition du baromètre Paris Workplace mesure les effets des confinements successifs sur les attentes des salariés et notamment celles de la jeune génération en matière de lieu de travail. Confronté à la concurrence du domicile, le bureau semble devoir prouver sa capacité à satisfaire les attentes de ses usagers en matière de bien-être. Le confort du salarié qui se limitait, jadis, à l’installation d’un pied de bambou feng shui, activateur d’énergie, dans un angle de son bureau, réclame désormais un peu plus. "Les espaces de bureaux doivent répondre à quatre fonctions majeures : le travail collaboratif avec des salles de réunion modulables en fonction des besoins, des espaces de partage festif, des bureaux où silence, concentration ou confidentialité sont possibles, et enfin des espaces interstitiels favorisant les échanges informels au-delà de l’éternelle machine à café", souligne Caroline Fortier, directrice générale de Sogeprom.
Flexibilité des espaces, souplesse des pratiques
Si l’on se réfère au Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNTRL), le bureau est un établissement où s'effectue, généralement selon un horaire fixe, un travail régulier rétribué, de nature plutôt intellectuelle soit l’opposé de ce pourquoi il est plébiscité aujourd’hui. Dimitri Boulte, directeur général délégué SFL, ajoute : "Le bureau ne se conçoit que dans son environnement. Il est désormais tenu de “faire du bien” : aux salariés, à la société, à la planète. Voilà une grande et lourde responsabilité qui pèse sur les épaules du bureau, autrefois considéré comme un simple lieu de production. Cette évolution est néanmoins vertueuse et récompensera les employeurs qui ont perçu avant les autres la nécessité de faire de leurs lieux de travail le manifeste de leur engagement social et environnemental. Pour faire de ces “bureaux à impact” des bureaux qui apportent des solutions aux défis de notre époque." Si l’étude évoque une certaine euphorie liée à des facteurs exogènes, avec la fin des confinements et des couvre-feux, elle occulte néanmoins un élément crucial : l’inattendue et récente souplesse du monde professionnel, symbolisée par la massification du télétravail, conduit, mécaniquement, à une forme d’enthousiasme. La fréquence idéale de distanciel, toutes tranches d’âges confondues, est passée de 1,55 jour par semaine en février 2020 à 2,25 jours par semaine en juin 2021. S’il est désormais perçu, majoritairement, comme un lieu où les moins de 35 ans aiment passer du temps (à 64%), c’est aussi parce qu’ils y passent moins de temps. Autrement dit, le bureau n’est pas nécessairement plus agréable mais semble plus accueillant depuis que nous le fréquentons moins. Il n’en reste pas moins qu’il est encore considéré, par cette même tranche d’âge, uniquement comme un lieu de travail qu’ils préfèrent pratiquer le moins de temps possible (pour 38%).
Le bureau et au-delà
Le quartier de travail prend de l’importance à mesure que la porosité entre vie personnelle et professionnelle s’accroît – les jeunes salariés sont plus nombreux que leurs aînés à sortir du bureau pendant leur journée de travail pour réaliser des achats (66%), aller chez le médecin (56%) ou pour un rendez-vous personnel (51%). Carlos Moreno, apôtre de la ville du quart d’heure, témoigne : "Il faut, je pense, que chacun puisse trouver à proximité de son domicile, des tiers-lieux de proximité : les jeunes veulent pouvoir profiter de leur quartier de manière plus importante qu’avant. Faire une heure de transport en commun est globalement rejeté. Ils veulent profiter des restaurants, des cafés, des lieux de loisirs... On va aller de moins en moins dans les quartiers d’affaires monofonctionnels, tandis qu’entre le domicile et le bureau, des espaces intermédiaires seront créés." D’autre part, les mentalités évoluant, il est devenu plus simple de partir à l’heure où l’on juge qu’il est temps de partir, plutôt que de créer un mouvement de foule dans le sillage du départ de son président-directeur général, comme ça a pu être l’usage par le passé. En fin de compte, à mesure que le travail et son écosystème s’assouplissent les employés se dérident. Est-ce une surprise ? À y réfléchir raisonnablement, non. L’environnement de travail doit donc être considéré dans une acception extensive qui ne se limite plus aux murs ni à la définition du bureau. Fini le bureau austère, froid, révolu le présentiel absolu, artificiel, mielleux, le monde du travail se veut désormais harmonieux et souple et les espaces qui lui sont associés inclusifs et accueillants. Un vœu pieux ? Peut-être. L’ennui avec la nouveauté, c’est qu’elle est provisoire.
Alban Castres