Avant de cofonder BDGS, l’un des cabinets d’avocats parisiens les plus en vue, Antoine Gosset-Grainville a été directeur adjoint du cabinet de François Fillon puis numéro deux de la Caisse des dépôts et consignations où il a exercé l’intérim de la direction générale pendant six mois. Leçons d’un homme qui a adapté sa vision du leadership à l’exercice d’une profession indépendante.
« Dans un cabinet d’avocats, le management est collectif, il faut construire le consensus avec méthode »
Décideurs. Les avocats sont indépendants. Comment imposer sa voix tout en écoutant ceux qui vous entourent??
Antoine Gosset-Grainville. L’indépendance de l’avocat ne doit pas faire perdre de vue ce qui fait son efficacité?: le travail en équipe, savoir mobiliser ses collaborateurs et consulter ses associés. L’indépendance n’est pas synonyme d’exercice isolé, mais il est vrai que face à ses clients, l’avocat doit prendre ses responsabilités, formuler des recommandations, conseiller sur la stratégie et proposer les bonnes solutions.
Décideurs. Cela vaut pour vos clients. Comment imposer cette vision de leader dans un groupe d’avocats??
A.?G.-G. Ma vision du leadership s’est adaptée lors de mon passage du monde de l’entreprise à la profession d’avocat. Cette notion ne s’applique pas bien aux avocats dans leur organisation interne. Les responsables d’un cabinet d’avocats ne sont pas dans la logique d’un grand capitaine d’industrie ou de celle d’un leader politique. Cette profession étant d’essence libérale, on peut tout au plus parler de leadership moral.
Dans un cabinet d’avocats, le leadership individuel laisse place au management collectif puisque les décisions (recrutement, association, gestion des conflits d’intérêts, etc.) se prennent de manière collective. Décider à plusieurs peut paraître plus lent que seul, mais cela aboutit à des décisions plus solides et donc mieux acceptées.
Décideurs. Les décisions sont donc prises par l’ensemble des associés. Comment se construit cette forme de leadership??
A.?G.-G. Le cabinet est piloté par les associés, ce qui induit de respecter un certain nombre de principes. Tout d’abord, il faut provoquer les discussions, ne pas laisser les situations se dégrader. Ensuite, aucun membre de l’équipe ne doit imposer ses propres décisions. Il faut alors construire le consensus avec méthode. C’est plus ou moins long mais on y arrive. Dans une équipe d’une trentaine de professionnels, le consensus est toujours à notre portée.
Décideurs. Comment être l’homme du présent des dossiers en cours tout en développant une vision d’avenir??
A.?G.-G. L’avocat s’expose en permanence au risque d’être absorbé par l’immédiateté. Le défi consiste à faire émerger et prévaloir le concept d’investissement comme un moyen de préparer l’avenir. Concrètement, il s’agit d’abord de la capacité à maintenir un très haut niveau d’expertise, ensuite de la recherche de nouveaux talents, et enfin de veiller au développement commercial qui est au cœur de la vision d’avenir. Chaque associé doit avoir cette triple préoccupation et combiner implication dans les dossiers et stratégie de développement.
Propos recueillis par Pascale D’Amore
http://www.magazine-decideurs.com/dossiers/leadership-l-art-de-gerer-les-paradoxes
