Les ressources humaines sont mortes, vive les ressources humaines ! Thierry Baril incarne le nouveau visage de la fonction. Il nous livre les ingrédients d’une politique RH agile.

Décideurs. Vous avez déclaré vouloir miser sur le turnover pour attirer les jeunes talents, provocation ou vision ?

 

Thierry Baril. Mon idée est de bousculer certains ordres établis dans la stratégie RH. Je ne parle pas seulement de turnover de départ mais également de turnover interne. Je considère la mobilité comme une condition sine qua non pour générer du dynamisme au sein d’une entreprise. Ce sujet choque, mais tout est dans la nuance et le discernement. Historiquement, la stabilité des salariés est une marque de fabrique du secteur aéronautique. Avoir des équipes qui restent dans la durée est perçu comme une preuve de savoir-faire, et c’est vrai ! En même temps, générer un turnover, c’est accepter de prendre des risques. Choisir des profils internationaux, donner plus de chances aux femmes, proposer des évolutions de carrière plus rapides… Lorsqu’il existe, le turnover impose aux entreprises d’être créatives et de se renouveler pour garder les meilleurs talents et les aider à grandir. C’est en cela qu’il est un accélérateur d’énergies et d’innovation. Cependant, nous ne cherchons pas à atteindre un turnover exagéré, voire ingérable, comme tel peut être le cas dans la Silicon Valley !

 

Décideurs. Quels sont les profils les plus recherchés par le groupe ?

 

T. B. En Europe, et particulièrement en France, nous bénéficions d’une marque employeur forte. Nous attirons particulièrement des profils tels que des ingénieurs aéronautiques, des techniciens, et plus généralement tous professionnels spécialisés dans l’avion et sa structure. Mais nos besoins évoluent et nous recherchons de plus en plus d’ingénieurs systèmes et cyber-sécurité, profils davantage imprégnés de l’esprit start-up, et auprès desquels nous n’avons pas la même attractivité. Pour attirer les talents de la révolution numérique, nous devons étendre notre champ de recrutement. Ouvrir nos portes à des salariés issus de secteurs industriels différents, recruter des experts du digital, intégrer à nos équipes des salariés d’origine internationale… Airbus embauche aujourd’hui proportionnellement plus de femmes que les écoles d’ingénieurs n’en forment et plus de cent trente nationalités sont représentées dans les effectifs. C’est avant tout la diversité que nous recherchons chez les salariés que nous recrutons, et bien entendu des compétences solides.

 

Décideurs. Comment cultivez-vous cet esprit start-up qui attire tant ?

 

T. B. L’esprit start-up implique de développer davantage d’agilité dans la grande entreprise. Pour y parvenir, il faut simplifier les processus sans compromettre notre culture de la certification. Dans la Silicon Valley, on explique souvent qu’il faut accepter le droit à l’erreur. Or, l’exigence de qualité de l’aéronautique ne nous autorise pas à faire de ce principe une règle générale. Nous cultivons cette agilité en créant des outils qui facilitent les synergies multi-pays. Par exemple, nous avons développé la maquette numérique qui permet de concevoir un avion avec des salariés basés aux quatre coins du monde. Une collaboration mondiale sur un produit commun, c’est ça l’agilité.

 

Décideurs. Vous avez dit : « le CV c’est kitsch ». Les réseaux sociaux sont le nouveau passage obligé ?

 

T. B. Nous recevons environ 350 000 candidatures chaque année mais il est clair que, notamment pour les jeunes diplômés qui ont souvent peu d’expérience, le CV est dépassé. La force des réseaux sociaux est d’ouvrir aux autres la possibilité de vous mettre en valeur. Cette confiance affichée est un élément de richesse qui dynamise et donne une nouvelle jeunesse au CV numérique. On passe du déclaratif à l’interaction. Twitter, Facebook, LinkedIn sont des accélérateurs de connexion. En comparaison du potentiel de connectivité de ces réseaux, on peut penser que le CV connaît ses dernières années de vie.  

 

Décideurs. Le reverse mentoring  est-il intégré dans vos programmes de formation ?

 

T. B. Le reverse mentoring génère une autre approche de l’apprentissage. Les jeunes générations plus à l’aise sur les outils digitaux transmettent leurs reflexes aux plus seniors. On sort des vieux « canons » où la connaissance était le corollaire du nombre d’années d’expérience. Le groupe a récemment lancé un réseau social interne, nommé « Connect », qui facilite l’échange d’informations entre les salariés, leur permet de créer des communautés d’expertises, d’organiser des colloques… Grâce au reverse mentoring, les adeptes de l’outil accompagnent ceux qui le sont moins afin d’accélérer l’appropriation par tous de la plate-forme. Le top management du groupe est actuellement en cours de mentoring avec de jeunes talents pour développer leur agilité digitale !

 

Décideurs. Et alors, retour d’expérience ?

 

T. B. Je me débrouille plutôt bien pour un quinqua ! Vous pouvez me suivre d’ailleurs sur Twitter ! [Rires]

 

Décideurs. François Hollande annonce un choc de simplification du code du travail. Quelles sont selon vous les réformes les plus urgentes ? 

 

T. B. Certaines dispositions du code du travail sont d’un autre temps. Un axe de simplification dans un environnement qui se digitalise, c’est un bon départ pour appréhender le changement. Si on entend simplifier, il faut sortir des grands dogmes politiques. L’objectif de la loi Macron est d’améliorer la compétitivité. Le mot n’est pas vain et la priorité pour l’atteindre est de réduire les charges sociales. Le CICE est une première avancée mais la France reste l’un des pays où le coût du travail est le plus élevé d’Europe. Par ailleurs, l’une des recommandations du rapport Combrexelle préconise de favoriser l’accord d’entreprise – et cela est à mon sens une grande avancée. C’est aux représentants du ?personnel qu’il faut faire confiance pour négocier au plus près des réalités. Tout ce qui va dans ce sens ira dans le bon sens. 

 

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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