Le directeur général d'HEC évoque la dimension collaborative du leadership.
Directeur général de la célèbre école qu’il a su conduire sur la route de l’internationalisation, Bernard Ramanantsoa s’apprête à passer le relais après vingt ans de service. Journalistes, professeurs, étudiants, ils sont nombreux à oser le dire : «?HEC, c’est lui?». Il évoque pour nous une dimension collaborative plutôt collective du leadership.

Décideurs. Le leadership collectif prend-il, aujourd’hui, le pas sur le leadership individuel ou sont-ils complémentaires ?


Bernard Ramanantsoa. Je pense qu’il ne faut pas se tromper de niveau et ne pas substituer le leadership individuel au profit du collectif. La confusion est d’autant plus facile que le même mot est utilisé, mais selon moi le leadership reste profondément individuel. Ce qui a tendance à être assimilé à du leadership collectif n’est finalement que la manifestation d’un travail collaboratif de plusieurs individus. Dans ce contexte, la diversité de chacun est respectée mais les actions convergent autour d’un projet commun. Si nous ne sommes plus dans la configuration du chef qui dicte et des exécutants qui font, ce concept de leadership collectif reste une sorte d’idéologie quant à la prise de décisions. Je ne nie pas que certaines découlent d’un phénomène collégial, mais au final, il n’y a qu’une personne qui endosse la responsabilité de ce choix.
Bien sûr il existe des organisations dans lesquelles les décisions sont prises de manière collective – un homme, une voix – mais même dans ce cas la position de chacun n’est jamais complètement anodine et personnelle. Le jeu des influences remet nécessairement le leadership individuel au cœur du système. Le leadership collectif tend vers l’idée du «?tous égaux?», ce qui est irréaliste. Si tout le monde en rêve, peu finalement y croient, et encore moins le pratiquent.

Décideurs. On connaît le leadership individuel et ses qualités de visionnaire et de décisionnaire, comment décririez-vous sa dimension collective ?

B. R. Effectivement un leader doit posséder une vision et l’endosser personnellement, même si cette vision peut émerger du partage. Pour répondre à votre question, je pense qu’un terme serait éventuellement plus approprié : celui du leadership collaboratif qui consiste à associer ses équipes à la préparation de la décision par opposition à celle que l’on prend seul. Suivant la théorie de la décision, c’est une illusion de penser qu’un leader ne décide pas car même quand il ne tranche pas, c’est lui qui a la main ! Ne pas décider est de fait une forme de décision.

Décideurs. Quelles sont les grandes qualités du leader ?

B. R. Il s’agit en fait de talents. Je citerai notamment sa capacité à appréhender mieux que d’autres l’environnement dans lequel son organisation évolue. Il sait déterminer les chemins à prendre. Ce n’est pas donné à tout le monde ; aujourd’hui, il est extrêmement compliqué d’avoir une vision pertinente et parfaitement éclairée du monde dans lequel nous vivons. D’autre part, en interne, le leader possède cette faculté de comprendre la dimension sociale de son organisation. Il ne perçoit pas la complexité des individus comme un handicap et saura les faire travailler ensemble, tout en cultivant leur volonté individuelle de faire avancer les choses. Enfin, un très bon leader a conscience de l’impact de son pouvoir.

Décideurs. Il y a un paradoxe entre l’empowerment nécessaire à un leadership collectif et le principe d’égalité entre les membres des équipes sollicitées. Si tout le monde est chef, alors il n’y a plus de chef ?

B. R. L’
empowerment nécessaire au leadership collectif ? C’est un paradoxe en soi. Personne n’arrive à traduire ce mot car il s’agit d’un concept qui symbolise l’implication générale autour d’un projet. Dans les faits, ce n’est pas comme ça que ça marche. Il est intéressant de voir que tout le monde parle du «?collectif?». Un exemple probant est celui des candidats politiques qui, dans leur discours, avance «?Nous allons transformer la France?». Mais cette volonté sera portée par une seule personne qui cherche également son intérêt dans toute élection. Lorsqu’il sera temps de faire un bilan, on en reviendra toujours à l’individu.

Propos recueillis par Julie Atlan

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