Entretien avec le ministre du Travail et du Dialogue social qui veut instaurer la culture du dialogue entre partenaires sociaux en France.
François Rebsamen : « Chaque salarié doit avoir droit à une représentation »
Décideurs. Quel est l’avenir du dialogue social en France ?
François Rebsamen. Depuis 2012, le gouvernement a choisi de réformer par le dialogue avec les partenaires sociaux. L’agenda social, les grandes conférences et les cinq accords nationaux interprofessionnels sont l’expression de notre confiance en cette méthode. Cette articulation entre négociation sociale, gouvernement et Parlement est le gage de réformes durables et en prise avec les besoins et attentes des salariés comme des employeurs. Le gouvernement a une conviction forte : le dialogue social est un facteur de performance dans les entreprises. Il est un levier pour améliorer la qualité du travail et de la vie au travail. Il est nécessaire de le renforcer, d’éviter les obligations formelles qui le dévitalisent parfois et obscurcissent les enjeux stratégiques. Il faut aussi que chaque salarié puisse avoir droit à une représentation, adaptée à la diversité des entreprises, et surtout que l’on favorise et reconnaisse l’engagement des salariés qui acceptent de représenter les autres. Le projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social a vocation à répondre à ces défis et sera présenté en Conseil des ministres en avril 2015. Il proposera une réforme ambitieuse qui renforce le rôle du dialogue social dans l’entreprise. Cela passe par plus de cohérence et de lisibilité dans les obligations de négocier et de consulter, mais aussi, par de nouveaux droits en faveur des salariés. Par exemple, la représentation des salariés dans les TPE-PME et la valorisation des parcours militants.
Décideurs. Faut-il doter les salariés de nouveaux pouvoirs de négociation pour qu’ils aient, dans les entreprises, une meilleure voix au chapitre ?
F. R. Donner aux salariés une meilleure voix au chapitre, c’est toute l’ambition du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social. Il s’inscrit dans la lignée de l’accord sur la sécurisation de l’emploi qui avait renforcé la voix des salariés : présence au conseil d’administration des grandes entreprises, consultation des représentants du personnel sur les orientations stratégiques et leurs conséquences. D’autres avancées sont possibles, qui en améliorant le dialogue, renforceront la performance de nos entreprises, et donc l’emploi.
Décideurs. Les chefs d’entreprise dénoncent régulièrement l’absence de flexibilité du travail en France. Comment permettre une certaine flexibilité aux employeurs, tout en assurant la sécurité des salariés ?
F. R. Je ne me joins pas à ceux qui dénoncent encore et toujours la supposée absence de flexibilité du travail comme si c’était une fin en soi. L’enjeu est que l’entreprise puisse s’adapter aux évolutions de son environnement, sans faire de l’emploi la variable d’ajustement. Cela passe par du dialogue social, la nécessité d’anticiper, la possibilité de conclure des accords pour surmonter les défis. Prenez les cas de Renault, Peugeot et bien d’autres. La loi de sécurisation de l’emploi a fortement favorisé l’anticipation pour prévenir les difficultés, le recours à l’activité partielle plutôt qu’aux licenciements et quand ceux-ci s’avèrent inévitables, la loi a renforcé comme jamais le rôle de la négociation. Nous avons aujourd’hui un régime de « chômage partiel » plus intéressant qu’en Allemagne, des possibilités de négocier dans l’entreprise. Tout cela montre qu’on peut s’adapter par le dialogue. L’autre versant de l’adaptation, c’est la sécurisation des parcours professionnels. Tout l’enjeu est de faciliter les transitions professionnelles et de favoriser le retour à l'emploi en mettant ces périodes à profit pour que chacun puisse construire son parcours professionnel. C’est ce que permet par exemple le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui donne aux personnes qui ont subi un licenciement économique les ressources nécessaires pour créer ou reprendre une entreprise, ou encore du compte personnel de formation (CPF) qui permet à tous les salariés actifs ou en recherche d’emploi de financer une formation qualifiante. Les droits à la formation sont désormais attachés à la personne et non plus à la condition de salarié. C'est une petite révolution vouée à être étendue à d'autres droits, et c'est pour cette raison que la portabilité des droits et la sécurisation des parcours professionnels ont été inscrites par le Premier ministre à l’agenda social des prochains mois.
Décideurs. Comment faire de la formation professionnelle une mesure anti-chômage ?
F. R. La formation professionnelle est en soi une mesure anti-chômage. Le gouvernement l’a donc profondément réformée pour qu’elle bénéficie à ceux qui en ont réellement besoin. Elle permet de faire évoluer les carrières et les compétences pour sécuriser les parcours. Se former tout au long de la vie, c’est en effet adapter ses compétences à ses choix professionnels et aux besoins économiques. Il s’agit donc d’une mesure de prévention contre les ruptures des parcours quelle qu’en soit la raison : licenciements, accidents de la vie, transformation des métiers, etc. Le compte personnel de formation (CPF) permettra à tous les salariés d’accéder à une formation qualifiante. Il sera mobilisable pour que chacun soit acteur de son parcours professionnel. Deux mois après son lancement le 1er janvier 2015, plus d’un million de comptes ont été activés : c’est là le signe que le CPF répond à une réelle attente !
Mais la formation professionnelle est aussi un moyen efficace de sortir d’une période de chômage. Comment ? En se formant à des métiers où il existe des opportunités économiques. Les études le prouvent, cela fonctionne : 50 % des demandeurs d’emploi trouvent un travail six mois après la fin d’une formation. C’est pourquoi j’ai souhaité que l’effort de formation soit aussi dirigé vers les demandeurs d’emploi. Le plan contre le chômage de longue durée offre un droit réel à une formation qualifiante gratuite pour les demandeurs d’emploi. Cet effort sera financé à hauteur de 220 millions d’euros par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels gérés par les partenaires sociaux, complété par Pôle emploi et le conseil général. L’enjeu de demain est de s’assurer de la qualité des formations et de leur performance pour qu’elles soient des outils plus efficaces d’accès à l’emploi, de sécurisation des parcours professionnels et de réponse aux besoins économiques. C’est dans cet objectif que le rôle des Régions doit être renforcé.
Propos recueillis par Sophie Da Costa
François Rebsamen. Depuis 2012, le gouvernement a choisi de réformer par le dialogue avec les partenaires sociaux. L’agenda social, les grandes conférences et les cinq accords nationaux interprofessionnels sont l’expression de notre confiance en cette méthode. Cette articulation entre négociation sociale, gouvernement et Parlement est le gage de réformes durables et en prise avec les besoins et attentes des salariés comme des employeurs. Le gouvernement a une conviction forte : le dialogue social est un facteur de performance dans les entreprises. Il est un levier pour améliorer la qualité du travail et de la vie au travail. Il est nécessaire de le renforcer, d’éviter les obligations formelles qui le dévitalisent parfois et obscurcissent les enjeux stratégiques. Il faut aussi que chaque salarié puisse avoir droit à une représentation, adaptée à la diversité des entreprises, et surtout que l’on favorise et reconnaisse l’engagement des salariés qui acceptent de représenter les autres. Le projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social a vocation à répondre à ces défis et sera présenté en Conseil des ministres en avril 2015. Il proposera une réforme ambitieuse qui renforce le rôle du dialogue social dans l’entreprise. Cela passe par plus de cohérence et de lisibilité dans les obligations de négocier et de consulter, mais aussi, par de nouveaux droits en faveur des salariés. Par exemple, la représentation des salariés dans les TPE-PME et la valorisation des parcours militants.
Décideurs. Faut-il doter les salariés de nouveaux pouvoirs de négociation pour qu’ils aient, dans les entreprises, une meilleure voix au chapitre ?
F. R. Donner aux salariés une meilleure voix au chapitre, c’est toute l’ambition du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social. Il s’inscrit dans la lignée de l’accord sur la sécurisation de l’emploi qui avait renforcé la voix des salariés : présence au conseil d’administration des grandes entreprises, consultation des représentants du personnel sur les orientations stratégiques et leurs conséquences. D’autres avancées sont possibles, qui en améliorant le dialogue, renforceront la performance de nos entreprises, et donc l’emploi.
Décideurs. Les chefs d’entreprise dénoncent régulièrement l’absence de flexibilité du travail en France. Comment permettre une certaine flexibilité aux employeurs, tout en assurant la sécurité des salariés ?
F. R. Je ne me joins pas à ceux qui dénoncent encore et toujours la supposée absence de flexibilité du travail comme si c’était une fin en soi. L’enjeu est que l’entreprise puisse s’adapter aux évolutions de son environnement, sans faire de l’emploi la variable d’ajustement. Cela passe par du dialogue social, la nécessité d’anticiper, la possibilité de conclure des accords pour surmonter les défis. Prenez les cas de Renault, Peugeot et bien d’autres. La loi de sécurisation de l’emploi a fortement favorisé l’anticipation pour prévenir les difficultés, le recours à l’activité partielle plutôt qu’aux licenciements et quand ceux-ci s’avèrent inévitables, la loi a renforcé comme jamais le rôle de la négociation. Nous avons aujourd’hui un régime de « chômage partiel » plus intéressant qu’en Allemagne, des possibilités de négocier dans l’entreprise. Tout cela montre qu’on peut s’adapter par le dialogue. L’autre versant de l’adaptation, c’est la sécurisation des parcours professionnels. Tout l’enjeu est de faciliter les transitions professionnelles et de favoriser le retour à l'emploi en mettant ces périodes à profit pour que chacun puisse construire son parcours professionnel. C’est ce que permet par exemple le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui donne aux personnes qui ont subi un licenciement économique les ressources nécessaires pour créer ou reprendre une entreprise, ou encore du compte personnel de formation (CPF) qui permet à tous les salariés actifs ou en recherche d’emploi de financer une formation qualifiante. Les droits à la formation sont désormais attachés à la personne et non plus à la condition de salarié. C'est une petite révolution vouée à être étendue à d'autres droits, et c'est pour cette raison que la portabilité des droits et la sécurisation des parcours professionnels ont été inscrites par le Premier ministre à l’agenda social des prochains mois.
Décideurs. Comment faire de la formation professionnelle une mesure anti-chômage ?
F. R. La formation professionnelle est en soi une mesure anti-chômage. Le gouvernement l’a donc profondément réformée pour qu’elle bénéficie à ceux qui en ont réellement besoin. Elle permet de faire évoluer les carrières et les compétences pour sécuriser les parcours. Se former tout au long de la vie, c’est en effet adapter ses compétences à ses choix professionnels et aux besoins économiques. Il s’agit donc d’une mesure de prévention contre les ruptures des parcours quelle qu’en soit la raison : licenciements, accidents de la vie, transformation des métiers, etc. Le compte personnel de formation (CPF) permettra à tous les salariés d’accéder à une formation qualifiante. Il sera mobilisable pour que chacun soit acteur de son parcours professionnel. Deux mois après son lancement le 1er janvier 2015, plus d’un million de comptes ont été activés : c’est là le signe que le CPF répond à une réelle attente !
Mais la formation professionnelle est aussi un moyen efficace de sortir d’une période de chômage. Comment ? En se formant à des métiers où il existe des opportunités économiques. Les études le prouvent, cela fonctionne : 50 % des demandeurs d’emploi trouvent un travail six mois après la fin d’une formation. C’est pourquoi j’ai souhaité que l’effort de formation soit aussi dirigé vers les demandeurs d’emploi. Le plan contre le chômage de longue durée offre un droit réel à une formation qualifiante gratuite pour les demandeurs d’emploi. Cet effort sera financé à hauteur de 220 millions d’euros par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels gérés par les partenaires sociaux, complété par Pôle emploi et le conseil général. L’enjeu de demain est de s’assurer de la qualité des formations et de leur performance pour qu’elles soient des outils plus efficaces d’accès à l’emploi, de sécurisation des parcours professionnels et de réponse aux besoins économiques. C’est dans cet objectif que le rôle des Régions doit être renforcé.
Propos recueillis par Sophie Da Costa