Face aux multiples dérèglements environnementaux auxquels nous devons faire face, à un monde aux ressources naturelles finies, il est essentiel que les entreprises se mobilisent et s’engagent vers des modèles d’affaires plus durables.

Si ce constat ne risque de surprendre personne, le chemin pour tenir les objectifs de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ou préserver et restaurer la biodiversité est encore long. Les entreprises comme les institutions et les citoyens doivent prendre toute leur part pour limiter au maximum leurs impacts environnementaux. Si de nombreuses initiatives vertueuses se développent (Label B Corp, Notation Ecovadis, Convention des entreprises pour le climat, Communauté du Coq Vert…) et des engagements sincères se matérialisent, force est de constater qu’il est nécessaire aujourd’hui de disposer d’un cadre commun et de normes et règles partagées sur ces enjeux de durabilité.

C’est tout l’objet de la directive européenne CSRD (Corporate sustainablity reporting directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, elle remplace et renforce la NFRD (Non-financial reporting directive). La CSRD impose désormais aux grandes entreprises européennes, ainsi qu’à certaines PME cotées, de divulguer des informations détaillées sur leurs bilans environnementaux, sociaux et de gouvernance dans un rapport de durabilité. Les premiers seront publiés début 2025.

CSRD : une directive ambitieuse, nécessaire et attendue

La CSRD représente bien plus qu’une simple évolution réglementaire : elle est le reflet d’une transformation profonde des attentes sociétales vis-à-vis des entreprises. Alors que la notion de durabilité était autrefois perçue comme un concept périphérique et accessoire, elle devient aujourd’hui un pilier central de la stratégie d’entreprise. Si la CSRD est souvent perçue comme une contrainte, qui va prendre du temps et nécessiter d’y allouer des moyens, ce qui est vrai, elle peut et doit être appréhendée comme une opportunité stratégique pour les entreprises dans un monde en transition. Avec pour objectif la standardisation des données extra-financières, la CSRD répond à un besoin réel : celui de l’harmonisation des données avec une innovation majeure que sont les ESRS (European sustainability reporting standards). Grâce à la publication de ces données dans le rapport de durabilité, il sera dès lors beaucoup plus simple de comparer l’engagement des entreprises et les résultats concrets sur ces enjeux de durabilité. Une occasion majeure pour se démarquer.

L’analyse de double matérialité : synthèse des perspectives stratégiques et des risques et financiers et extra-financiers des entreprises

L’intégration du principe de double matérialité impose aux entreprises de considérer non seulement comment les enjeux ESG (Environnemental, social, gouvernance) influencent leur performance financière (matérialité financière), mais aussi comment leurs activités affectent la société et l’environnement (matérialité d’impact). Cette approche holistique reflète une compréhension plus large des impacts des entreprises, des risques auxquels elle est soumise et des perspectives de développement qu’elle représente, au-delà des seuls intérêts financiers.

Un modèle de performance renouvelé

Le référentiel des indicateurs extra-financiers (ESRS) permet une mesure harmonisée de la performance RSE des entreprises et va donc faciliter les benchmarks comme l’accès aux données. Voilà tout l’intérêt du déploiement de cette directive. C’est un véritable nouveau modèle de performance et de gestion intégrée de l’entreprise.

L’engagement environnemental et social enfin récompensé

La transition vers une économie durable est déjà en marche, et la CSRD en est un catalyseur clé. Les entreprises qui sauront saisir et exploiter cette directive pour innover, repenser leur modèle d’affaires, anticiper les risques et développer de nouvelles offres durables seront les leaders de demain. Il ne faut donc pas appréhender la CSRD comme une simple obligation de reporting, mais comme un levier stratégique pour transformer l’entreprise de l’intérieur, renforcer sa résilience et gagner en compétitivité. Répondre à l’obligation règlementaire oui, en faire une occasion de développement stratégique, c’est mieux !

Les entreprises ont là une chance unique de prouver leur utilité sociétale et environnementale et pourront en tirer un avantage concurrentiel indéniable. Taux bonifiés, avantages compétitifs et commerciaux, amélioration de la marque employeur et attractivité des talents, meilleure gestion des risques, engagement des parties prenantes… Autant de perspectives qui se matérialiseront grâce à la CSRD. À court terme, les premiers rapports de durabilité seront scrutés dès leur publication et influenceront les décisions des clients, des investisseurs, des créanciers ou encore des talents actuels et futurs. C’est en cela que le rapport de durabilité est stratégique !

Ne ratons pas l’occasion de transformer durablement et en profondeur nos entreprises : il en va de leur survie et de la pérennité de notre économie. Puisse la CSRD nous offrir la plus belle des compétitions vers la durabilité des modèles d’affaires. La transition ne pourra se faire qu’avec les entreprises.

Sur les auteurs

Constantin de Salvatore, Thomas Nouvian et Sylvain Prévot sont les fondateurs de Lysi, une société de conseil en stratégie durable.