Décideurs. Une officine par jour ferme en France, alors que Lafayette Conseil en ouvre une trentaine par an. Comment s’explique cette tendance ?
Hervé Jouves. Une officine traditionnelle réalise en moyenne un chiffre d’affaires de l’ordre de 1,5 million d’euros par an, avec 80 % de ventes de médicaments remboursés. Une Pharmacie Lafayette® en réalise 6 millions d’euros. Cet écart s’explique par le positionnement de notre enseigne sur le happy low cost. Ce modèle unique se caractérise par une prise en compte de l’expérience client avec des prix bas, ce qui permet de capitaliser sur une relation de confiance. Concrètement, il importe que le client ne se limite pas à l’achat de médicaments prescrits, mais qu’il puisse également se faire plaisir au-delà. C’est pour cela qu’une officine Lafayette propose quelque 20 000 références de produits pharmaceutiques, cosmétiques, d’hygiène, accessoires, etc.
Quel est votre regard sur le déremboursement progressif des médicaments ?
Le modèle de la pharmacie est en plein changement. Le propriétaire d’une officine doit bien évidemment vendre, mais il est confronté à l’évolution réglementaire et aux impératifs financiers. De plus, il est lié par la prescription du médecin en amont. On observe globalement une perte de liberté du pharmacien et une mise de côté des produits d’agrément au profit du strict nécessaire. Il faut trouver d’autres relais de croissance. Si l’on songe au fait que 80 % des jeunes renoncent aux soins du fait de leur prix, il est évident que notre politique low cost s’inscrit dans l’idée de rendre la santé accessible à tous. Notre démarche commerciale est clairement assumée, mais notre action est éminemment militante.
La pharmacie a vocation à être exploitée sous toutes ses dimensions, grâce notamment aux données de santé
Vous allez vous lancer dans la vente de matériel médical, avez-vous pour ambition de commercialiser des objets connectés de santé ?
Notre projet d’enseignes spécialisées dans la vente de matériel médical va voir le jour dès 2017. Ce concept, low cost encore une fois, est inédit. Des produits de contention aux lits en passant par des accessoires comme des cannes, tout aura vocation à être commercialisé. Pour ce qui est des objets connectés, nous y attachons une importance particulière. La pharmacie a vocation à être exploitée sous toutes ses dimensions, grâce notamment aux données de santé. Au-delà du click & collect avec livraison des commandes, des partenariats pourraient faire naitre des services en phase avec les besoins de notre société. Auparavant, après un rendez-vous chez le médecin, avec un retard éventuel, il fallait passer par la pharmacie pour y récupérer les médicaments. Aujourd’hui, le particulier, souvent contraint par ses horaires de travail, peut scanner son ordonnance avec son mobile et venir rechercher ses soins à un comptoir dédié dans une Pharmacie Lafayette®.
Un autre de vos projets est la création de centrales d’achats, quels en seraient les avantages pour votre réseau d’officines ? Le lancement de votre propre marque en est-il le corollaire ?
Le fait de disposer d’une centrale d’achat est crucial. Une telle structure permet de massifier l’achat, mais aussi de servir de point de négociation afin de réduire encore les prix. Pour les officines, la centrale est un stock offrant un gain humain de manutention notable. Le but est d’apporter la pérennité aux pharmacies membres du réseau. Nous avons également lancé nos marques exclusives en 2016, avec une gamme d’Aromathérapie, Aromaya, puis, plus récemment, la gamme de phytothérapie, Sephyto. A terme, nous comptons, dans les prochaines années, lancer une dizaine de marques supplémentaires qui concerneront les marchés de la parapharmacie.
L’acquisition de la majorité du capital de votre société par Five Arrows Principal Investments (Fapi) est-elle la clé pour doubler le nombre d’officines dans l’Hexagone ?
Cette entrée de Rothschild au capital de Lafayette Conseil va permettre d’investir et d’étendre notre maillage géographique. De 117 officines actuellement, nous souhaitons arriver à 220 d’ici à fin 2019. À la même date, ce sont cinquante magasins de vente de matériel médical qui devraient voir le jour. Mais cette acquisition par Fapi créera aussi un véritable partenariat en faveur des jeunes pharmaciens. En effet, ce rapport avec une entité bancaire aussi réputée que Rothschild donnera la possibilité aux jeunes actifs désireux de s’installer d’obtenir un financement plus facilement.
Propos recueillis par Paul Demay