Décideurs. De quel constat est né l’Institut Rafaël, la maison de l’après-cancer ?
Alain Toledano. La création de l’Institut Rafaël découle de la nécessité de pratiquer une médecine centrée sur l’individu ainsi que son projet de vie et de ne pas seulement appréhender la santé comme une absence de maladie. En ce sens, les parcours des patients de l’institut regroupent des spécialistes de la nutrition, de l’hypnose, du sport ou encore de la sophrologie. Autant de pratiques qui contribuent à améliorer leur bien-être.
Alors que la France dédie 11% de son PIB, soit 60 milliards d’euros, à la santé, son système de prévention reste relativement insuffisant. On estime en réalité que 40% des cancers et 80% des maladies cardio-vasculaires sont évitables. À mon sens, le système de santé français devrait connaître une refonte afin de bénéficier, entre autres, d’une meilleure capacité de rendement. Et ce, notamment grâce à une vision globale de la santé, y compris psychique, émotionnelle et environnementale.
"Alors que la France dédie 11% de son PIB à la santé, son système de prévention reste relativement insuffisant"
En matière de santé intégrative, l’institut Rafaël constitue un projet pilote d’intérêt général qui se fixe pour objectif de passer d’une médecine prescriptive à une médecine intégrant différents domaines d’expertise dans un meilleur cadre informationnel. À ce jour, nos parcours d’accompagnements coordonnés ont permis d’offrir 44 000 soins à près de 2900 patients en 3 ans et demi.
Outre votre qualité d’oncologue, vous êtes le directeur de la chaire "santé intégrative" au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), lancée il y a un an. Quelle est votre feuille de route ?
De même que l’Institut Rafaël, la chaire "santé intégrative" porte une volonté de mettre en place un parcours de soins autour du patient avec des acteurs qui prodiguent des soins non médicamenteux aux côtés des praticiens conventionnels. En premier lieu, mon rôle au sein de la chaire est de promouvoir la recherche en santé intégrative. Puis, de concevoir des enseignements qui permettent à tous les acteurs de la santé de dynamiser cette logique intégrative, de co-construction, de recherche et de collaboration.
De façon académique, l’objectif est de faire émerger des disciplines, telles que l’art-thérapie ou le shiatsu, afin de favoriser le développement de ces pratiques, de leur donner de la valeur au sein du parcours de santé et de co-construire des travaux de thèse avec pour finalité, notamment, de lutter contre la peur de rechute des patients.
Comment des initiatives, telles que le salon MedInTechs, ou encore l’Institut national de la e-santé (Ines), modifieront-elles le rapport à la santé ?
Le salon de l’innovation en santé MedInTechs s’est construit autour des notions de santé globale et de partage de valeurs. Au moment où sa fondatrice, Muriel Benitah, m’a proposé de diriger le comité scientifique, j’ai compris que cela constituait l’occasion de transmettre une vision transversale.
"L’Institut Rafaël a contribué à la diminution de 56% des dépressions des patients"
Lorsque nous évoquons la santé, nous pensons de façon régulière à la maladie, à la mort ou à une médecine très technique. Or, l'état de santé renvoie à un équilibre et un ressenti positif. Les initiatives comme celles de MedInTechs et de l’Ines reformatent notre rapport à la santé et démontrent que la technologie est au service de la médecine et donc de l'humain.
Du fait de sa taille humaine, l’Institut Rafaël constitue un petit laboratoire en matière de santé intégrative. En outre, combiné à mon implication au sein de l’Institut national de la e-santé (Ines) et aux partenariats que nous nouons avec Elsan ou Docaposte par exemple, nous contribuons à la progression de la santé intégrative.
Alors que les médecines intégratives s’incluent de plus en plus dans le parcours de soins, quel retour portez-vous sur ces évolutions ?
Notre offre gratuite de soins repose notamment sur des collaborations avec d’autres industries, dont les laboratoires Avène, Boiron ou Pierre Fabre. Nous dépendons également du mécénat qui nous permet de disposer d’un financement nécessaire à notre pérennité.
Depuis 2019, l’Institut Rafaël a contribué à la diminution de 56% des dépressions et de 40% des sentiments d’isolement et d’irritabilité des patients. À cela s’ajoute notre programme d’accompagnement à la méditation qui permet de diminuer de 90% les troubles du sommeil grâce à la représentation mentale. Enfin, le pôle "Hors les murs" a déjà organisé une dizaine de retraites dont la valeur thérapeutique est particulièrement significative. Dans ce contexte, il faut retrouver une cohérence entre des médicaments remboursés qui ne sont pas utilisés par les patients et une séance de reiki non remboursable. En somme, nous avons l’ambition d’aider ces professions alternatives et complémentaires à être reconnues, afin qu’elles se structurent et soient intégrées aux côtés de la médecine conventionnelle.
Propos recueillis par Léa Pierre-Joseph & Alexandra Bui
Retrouvez le dernier livre d'Alain Toledano, L'art de soigner, paru le 7 septembre 2022.