Les deux pénalistes Xavier Autain et Clotilde Lepetit forment un des deux duos pour les élections au bâtonnat 2022 de Paris. Candidat au poste de bâtonnier de Paris, le premier est associé du cabinet Lussan depuis 2011. Secrétaire de la conférence, il a été formé chez Metzner. Ce rugbyman a occupé différents postes au sein de l’ordre du barreau de Paris et du CNB depuis 2014. Sa colistière est cofondatrice du cabinet 7 Bac Avocats. Cinquième secrétaire de la conférence en 2006, elle est engagée dans la défense du droit des femmes et dans la lutte contre les discriminations.

Décideurs Juridiques. Vous formez un duo. Qu’est-ce qui vous rassemble et qu’est-ce qui vous distingue?

Xavier Autain et Clotilde Lepetit. Nous sommes amis. Nous possédons une armature commune, celle de l’engagement. Nous savons travailler, écouter, revenir à l’ouvrage et persévérer, et ce, pour servir la profession. Nous souhaitons l’un comme l’autre, avec la même conviction, un ordre attentif à son époque, aux aspirations des avocats qui ont évolué avec le temps. Un ordre qui sait se moderniser, transparent et éthique, et qui pourra ainsi regagner l’estime de nos confrères et en crédibilité auprès de l’État.

Nous aspirons à ce que le barreau parisien vote massivement. Aujourd’hui, seulement un tiers d’entre nous s’exprime dans les urnes, souvent les mêmes, issus des mêmes cercles, ce qui aboutit à la perpétuation d’un même microcosme. Un vote plus massif permettrait une meilleure représentativité des élus.

Derrière cela, nous aspirons à un renouveau de l’ordre, souhaité par le plus grand nombre. Plus qu’un programme, c’est un projet ambitieux que nous partageons pour notre barreau. Il est présenté sur notre site de campagne.

Vos différences ?

Nous sommes deux grands expressifs, mais avec des tonalités et des notes différentes. À vouloir les qualifier, nous pourrions tomber dans la caricature. Sur ce coup-là, nous nous épargnerons mutuellement… Nos fonctionnements de pensée ne sont pas les mêmes et ils nous permettent l’échange contradictoire nécessaire pour prendre des positions dépourvues de ­dogmatisme.

Pourquoi souhaitez-vous représenter les avocats parisiens ?

Nous souhaitons être les porte-parole du barreau parisien, le plus grand de France, dont le rôle est fondamental sur les plans tant économique que sociétal. Nous souhaitons travailler aux côtés du Conseil national des barreaux pour représenter tous nos confrères, qu’ils exercent en conseil, en Mard ou en contentieux, avec cette valeur ajoutée qu’est la déontologie.

Notre barreau, par la grande diversité d’exercices que l’on y trouve, a besoin d’un bâtonnier et d’une vice-bâtonnière qui sachent gérer le quotidien et qui aient une vision précise de ce que la profession d’avocat sera demain.

Quelles valeurs attachez-vous à votre candidature ?

Celles, humanistes, de notre serment, et plus particulièrement la loyauté que nous devrons à celles et ceux qui voteront pour nous. Nous avons à cœur de conduire l’institution avec éthique et transparence et de moderniser la machine ordinale afin que ses services répondent mieux encore aux attentes de tous nos confrères. Nous nous inscrivons dans la continuité de l’institution, mais dans un changement du système dont la faible assise démocratique démontre l’essoufflement. Les enjeux sont importants, le mandat court. Notre détermination doit être aussi forte que notre humilité devant l’ampleur de la tâche.

Que faut-il changer au sein de l’ordre ?

Il faut rendre plus lisibles et par conséquent plus accessibles à chacun les services de l’ordre. Il faut les professionnaliser dans l’intérêt du plus grand nombre. Cela passe notamment par la publication des avis déontologiques, de la mise en place de rescrits, de l’accès à des interlocuteurs dédiés suivant la taille des structures d’avocats. Il faut accompagner nos confrères et faciliter leur carrière d’avocat, et les chantiers ne manquent pas : un ­mentoring possible pour chaque jeune avocat qui le souhaite, porter une attention plus soutenue aux problèmes de  harcèlement et de discrimination, une collaboration libérale effective rappelant la normalité du recours au télétravail.

"Nous aspirons à ce que le barreau parisien vote massivement. Aujourd’hui, seulement un tiers d’entre nous s’exprime dans les urnes"

Refaire de l’ordre la maison commune où chaque avocat trouve sa place : cela passe notamment par une assemblée générale annuelle, une transparence plus grande des conditions dans lesquelles nos confrères seront missionnés, les finances et les travaux du conseil de l’ordre. Par respect pour les électeurs, nous avons rédigé un programme de bâtonnat et vice-bâtonnat, il est visible sur notre site.

Quelle sera votre première mesure ?

Écouter tous nos confrères, qu’ils aient ou non voté pour nous. Mettre en œuvre ce sur quoi nous aurons été élus. Nous ne serons pas élus seulement pour la sympathie ou l’amitié que l’on nous porte, mais par de nombreuses personnes qui ne nous connaissent pas, sur notre programme.

Comment défendrez-vous le secret ­professionnel ?

Sans concession et sans distinction entre conseil et contentieux, à tous les stades de notre exercice. Nous savons que les attaques ne cesseront pas. L’actualité récente le confirme entre l’affaire dite « des fadettes » et la directive DAC 6 qui porte atteinte au secret, ici des fiscalistes.

Le secret de l’avocat n’est pas un privilège : il est un devoir qui figure dans notre serment et qui garantit la possibilité aux citoyens de se confier. Il est d’ordre public dans un état de droit.

Pour revenir sur l’affaire des fadettes, il doit être clair qu’un avocat ne peut être écouté ni ses fadettes explorées que s’il est lui-même soupçonné d’avoir commis une infraction pénale et fait ainsi l’objet d’une procédure basée sur des éléments antérieurs et objectifs.

Craignez-vous, comme le CNB, qu’un grand nombre de vos confrères quittent la profession en raison de la crise ­sanitaire ?

Oui et il faut le craindre. Mais le droit est partout et notre pays en aura plus que jamais besoin pour protéger les justiciables et faire avancer notre économie ainsi que nos valeurs.

À quand la grande profession du droit ?

À quand la grande école du droit et la formation interprofessionnelle ?

Faut-il combattre ou soutenir la legaltech ?

Le singulier est mal adapté aux legaltechs tant la variété des situations et des champs d’intervention est grande. Cela interdit toute réponse manichéenne. Nos compétences, notre secret professionnel et plus largement notre déontologie sont des avantages qui doivent nous faire aborder les legaltechs avec ambition et sans crainte. Il faut mieux les connaître, dialoguer et travailler ensemble (un fonds d’investissement du barreau est une piste à explorer), ce qui n’empêche pas de faire respecter les règles sur le périmètre du droit avec fermeté quand cela est ­nécessaire.

Comment soutenir le développement des cabinets d’avocats ?

Connaître notre marché et nos écosystèmes. Pour cela, il faudra créer un observatoire économique du barreau qui nous permettra d’identifier les besoins pour mieux penser les accompagnements et les interventions de l’ordre. Penser également au développement éthique et à la responsabilité sociétale et environnementale des cabinets d’avocats pour être en adéquation avec les acteurs économiques d’aujourd’hui et de demain. Il faut prévoir une forme d’« escompte » des honoraires contestés par les clients, pour pallier notre fragilité dans le recouvrement de nos factures.

Propos recueillis par Pascale D'Amore

 

Et plus personnellement…

Votre mentor ?

C. L. Ernestine Ronai de l’Observatoire des violences faites aux femmes, Anne-Sarah Kertudo de l’association Droit pluriel et Annie Ernaux. Je n’en aurai jamais un seul mais s’il le fallait, le Défenseur des droits ou bien mon père.

X. A. Dans la vie rêvée ? Un être entre Umberto Eco, Olympe de Gouges et Johnny Wilkinson (oui, je sais, le mix n’a rien d’évident). Dans la vraie vie, peut être mon ami, un homme aussi généreux que drôle, talentueux avocat, mort beaucoup trop tôt, Jean-Christophe Maymat.

Le dossier sur lequel vous auriez aimé travailler ?

C. L. Défendre l’auteur des Fleurs du mal.

X. A. La défense de Mis et Thiennot.

Cité judiciaire ou tribunal de commerce ?

C. L. La cité judiciaire. Elle rassemble et comprend le tribunal de commerce. Pas l’inverse.

X. A. Comme Clotilde.

Quel don souhaiteriez-vous avoir ?

C. L. Celui de l’écriture au sens littéraire ou de la musique… Avoir l’oreille absolue.

X. A. Maîtriser un instrument de musique, n’importe lequel, le piano, la contrebasse ou le saxophone, pour improviser des bœufs.

Un tic de langage ?

C. L. Je dis « voilà » pour clore mes interventions… c’est dommage. Des « euh » aussi lorsque je reprends mes esprits. Je ressemble à tout le monde. Voilà.

X. A. Je dis « d’accord ? » à la fin de mes phrases d’explication, comme pour embarquer mon interlocuteur dans mon raisonnement.

Quelle autre profession auriez-vous pu exercer ?

C. L. J’ai été institutrice. J’aurais pu continuer et j’aurais été heureuse aussi.

X. A. Archéologue, les genoux dans la boue à imager des vies.

Avocat à la vie à la mort ?

C. L. Avocat est un état. Je l’ai juré. S’il faut mourir pour des idées… d’accord mais de mort lente comme disait Brassens.

X. A. La mort récente d’Ebru Timtik, notre consœur turque, donne un relief particulier à votre question. J’ai été très ému par son décès, elle nous place face à la question de savoir si l’on arrive à transcender son combat en sacrifiant sa personne. En tout cas, avocat jusqu’à la mort.

 

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