Si le chômage a fortement baissé au États-Unis depuis 2008, son économie n’a pas atteint les niveaux de croissance attendus par les investisseurs. Mais le gérant d'Artemis estime que les marchés actions américains vont de nouveau surperfomer les autres.

Décideurs. Malgré l’activisme de la Fed, l’ampleur de la reprise américaine a déçu. Comment expliquez la relative faiblesse de la croissance aux États-Unis ?

Cormac Weldon. Pendant plusieurs années, nous avons assisté à la politique d’assouplissement quantitatif et à d’autres mesures monétaires des banques centrales. Mais ont-elles fonctionné ? Nous concédons que ces mesures ont joué un rôle important pour éviter une dépression en 2009. Or sur le long terme, leur efficacité pour relever la croissance et l’inflation est moins évidente. Il y a une bonne raison à cela. Les États-Unis ont connu une croissance relativement stable pendant un certain nombre d’années alors qu’elle faiblissait dans le reste du monde. N’oublions pas non plus que les États-Unis ont, en fait, déjà resserré leur politique monétaire d’environ 300 points de base (cette estimation repose sur l’impact qu’ont eu le retrait des mesures d’assouplissement quantitatif et la hausse de 25 points de base des taux d’intérêt). Malgré ce resserrement l’économie américaine a continué à croître, quoique à un rythme modéré.

 

Décideurs. Le recul de la production dans l’industrie et le ralentissement de la croissance des résultats des sociétés laissent à penser que l'économie américaine est arrivée en fin de cycle de croissance. Est-ce votre opinion ?

C. W. Nous nous trouvons dans les dernières phases d’un cycle économique. Les marges des sociétés ont fortement augmenté, les valorisations ont grimpé et la croissance économique a une incidence sur le marché du travail (à savoir, le chômage baisse et récemment les salaires ont commencé à croître). Mais nous n’anticipons pas de récession : nous pensons que la croissance économique et l’inflation resteront faibles et qu’il y aura peu d’augmentations des taux d’intérêt.

 

Décideurs. Avec des perspectives de croissance bénéficiaires des entreprises revues à la baisse et des valorisations considérées comme trop élevées, les gérants d’actifs semblent délaisser les actions américaines. Quels sont vos arguments pour faire revenir les investisseurs sur ce marché ?

C. W. Les États-Unis offrent une plus grande stabilité économique que les autres marchés, plus d’opportunités de croissance idiosyncrasique, et leur système bancaire est très bien capitalisé. Nous croyons donc que les actions américaines pourraient – et devraient – surperfomer celles des autres marchés.

Nous pensons que la nature de la base des investisseurs aux États-Unis contribuera à la performance des gérants appliquant une gestion active. D’une part, nous avons des hedge funds hyperactifs. Ils ont tendance à surréagir aux données individuelles, créant ainsi des opportunités pour les investisseurs de long terme. Dans le même temps, nous avons assisté à la croissance importante de l’investissement passif. En raison du ralentissement économique actuel nous devons être particulièrement sélectifs quant aux actions que nous achetons. Les fonds passifs achèteront – et partant, augmenteront – la valorisation des titres dont nous pensons qu’ils sous-performeront par la suite. Parallèlement, les fonds passifs n’investissent pas suffisamment dans les titres qui, selon nous, peuvent bénéficier de ce nouvel environnement économique, ce qui les rend relativement sous-valorisés. En tant qu’investisseurs actifs nous devrions continuer à tirer profit de ces inefficacités.

 

Décideurs. En raison des difficultés du secteur pétrolier et parapétrolier, le marché obligataire à haut rendement a montré d’importants signes de faiblesse. Doit-on craindre une contagion vers l’ensemble de l’économie?

C. W. Le coût du crédit – qu’il s’agisse de l’investment grade, du haut rendement ou des prêts bancaires – a augmenté. Il convient de noter également que si les conditions sont extrêmes essentiellement dans le secteur de l’énergie, ces problèmes n’en ont pas moins un effet sur les autres secteurs. Nous sommes d’avis que, plus tard dans l’année, les coûts du crédit augmenteront pour les banques et les détenteurs de dette corporate. Est-ce que cela va causer une contagion ? Le système bancaire américain est très bien capitalisé et peut faire face, donc nous ne croyons pas à ce scénario. Néanmoins, il sera plus difficile pour les sociétés de trouver des prêteurs disposés à s’engager. Et cela pourrait exercer une pression sur la croissance économique.

 

A. F.

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