Soustraire des produits périmés mis à la poubelle ne constitue pas un vol
Le vol de denrées alimentaires au détriment de l'employeur peut justifier un licenciement. Ainsi, commet une faute grave le salarié d'un supermarché qui a dérobé divers produits alimentaires et les a dissimulé dans son véhicule, s'agissant d'un fait non isolé (Cass. soc. 26 mars 2003 n° 01-41.752). Les juges font parfois preuve de clémence au regard de la valeur des biens en cause : le vol de deux morceaux de fromage à la cantine ne justifie pas un licenciement par exemple (CA Metz 17 décembre 2012 n°10/04299), de même que le fait pour un employé de supermarché d'avoir emporté des déchets de viande dont il n'est pas démontré qu'ils étaient commercialisables et qui ont été jetés aussitôt après leur saisie (Cass. soc. 11 juillet 1991 n° 90-40.695).
En matière pénale, un arrêt récent de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a d'ailleurs décidé récemment que récupérer des produits périmés mis à la poubelle ne constitue pas un vol (Cass. crim., 15 décembre 2015, n°14-84.906).
En l'espèce, la directrice d'un supermarché était poursuivie pour vol pour avoir soustrait des produits périmés qui avaient été mis à la poubelle du magasin dans l'attente de leur destruction, en application des dispositions de l’article 311-1 du code pénal, qui dispose que le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. La cour d'appel avait la prévenue à une peine de 1000 € d'amende avec sursis et à 500 euros en réparation du préjudice matériel subi par l'employeur.
La décision est cassée. Selon la Cour de cassation, les objets soustraits, devenus impropres à la commercialisation, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l'attente de leur destruction, de sorte que l'entreprise avait clairement manifesté son intention de les abandonner. En d'autres termes, le fait pour l'entreprise de se dessaisir des denrées en cause, de n'en être plus propriétaire fait échec par suite à la qualification de vol. Dans une affaire un peu plus ancienne, la même Cour avait jugé au contraire, à propos d'une lettre jetée par l'employeur à la poubelle et utilisée par un salarié au cours d'un litige prud'homal, que le vol est constitué dès lors que le propriétaire de la lettre a la faculté de revenir sur sa décision et reprendre son bien (Cass. crim., 10 mai 2005, n°04-85.349).
Cette décision du 15 décembre 2015 trouve un écho dans l’actualité législative récente. La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire prévoit que les distributeurs du secteur alimentaire devront s’efforcer de prévenir tout gaspillage alimentaire ou d’utiliser les denrées alimentaires invendues soit en faisant un don, soit en les destinant à la nourriture animale ou à la fabrication de compost pour l’agriculture ou une valorisation énergétique.