Étape majeure dans la vie d’une entreprise, la question de la transmission est hélas trop souvent abordée sur le tard. Marc Legardeur décrypte les régimes applicables en la matière.

Décideurs. Comment sont calculés les droits de donation lorsqu’un entrepreneur souhaite transmettre son bien professionnel à ses enfants ?

Marc Legardeur. Les droits de donation sont calculés sur la valeur de l’entreprise ou des titres transmis dans les conditions habituelles. Sont ainsi pris en compte les abattements, réductions et tarifs applicables en fonction du lien de parenté entre le donateur et les bénéficiaires. Fort heureusement, ces droits peuvent être également réduits dès lors que le chef d’entreprise anticipe sa transmission, grâce au dispositif du pacte Dutreil. Celui-ci concerne à la fois la transmission d’entreprises et de titres de sociétés. Si toutes les conditions sont réunies, les donataires bénéficient d’un abattement de 75 % sur l’assiette des droits de donation. S’agissant de la transmission d’une entreprise personnelle, le donateur doit, d’une part, détenir l’entreprise depuis plus de deux ans. Chacun des bénéficiaires doit d’autre part s’engager à conserver l’entreprise pendant au moins quatre ans. Enfin, l’un des signataires de l’engagement collectif devra, durant les trois années qui suivent la transmission, poursuivre l’exploitation de l’entreprise et par conséquent exercer à titre habituel et principal son activité professionnelle.

Sachant que si cette dernière condition n’est pas respectée, elle entraîne un redressement fiscal dont le montant est fixé à quatre dixième d’intérêts par mois. S’agissant de la transmission des titres de société, les conditions demeurent relativement comparables.

Les titres transmis doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation pour au moins deux ans. Un engagement qui est toutefois considéré comme acquis lorsque le donateur exerçant son activité principale ou une activité de direction au sein de la société détenait les titres depuis au moins deux ans.

À la fin de ce délai, les bénéficiaires de la donation devront s’engager à conserver les titres pendant quatre ans. Étant précisé que pendant la durée de l’engagement collectif et les trois années qui suivent, l’un des bénéficiaires devra assurer son activité principale ou une fonction de direction au sein de l’entreprise.

 

Décideurs. Quels sont les secrets d’une transmission d’entreprise réussie ?

M. L. Au-delà des règles vues précédemment, la succession ne doit jamais être préparée en visant uniquement les délais fiscaux. Elle doit être travaillée bien en amont. Certes, la vision fiscale est importante mais elle ne me paraît pas suffisante au regard des enjeux concernant la pérennité de l’outil de travail et la responsabilité sociale vis-à-vis des salariés.

Premièrement, si on souhaite transférer à ses enfants, il est alors important de les intégrer bien avant la concrétisation de la donation dans le processus de gestion et de décision. Il convient également de préparer le management. Les plus grands chocs culturels interviennent à l’arrivée d’un dauphin ou d’un enfant sans que les collaborateurs y soient préparés. D’où l’importance de ne pas sous-estimer la communication interne. Le monde du private equity a d’ailleurs beaucoup oeuvré à ce sujet. Il a en effet favorisé l’entrée progressive de professionnels au sein de l’entreprise pour préparer ce changement.

 

Décideurs. De nombreux entrepreneurs transmettent également leur bien professionnel à leurs salariés. Quelles sont les spécificités d’une telle opération ?

M. L. Les salariés, personnes extérieures au cercle familial de l’entrepreneur, ne bénéficient pas des mêmes niveaux d’abattement et de réduction d’impôts que les enfants ou petits- enfants du chef d’entreprise. Pour soutenir la reprise de fonds de commerce, d’entreprises ou de société par les salariés, le législateur a tout de même instauré, sous certaines conditions, un abattement spécifique de 300 000 euros sur la valeur de l’entreprise transmise. Malgré tout, l’entrée au capital des salariés se réalise le plus souvent avec d’autres outils. Des vecteurs comme des plans d’épargne entreprise ou des plans de distribution d’actions sont à disposition des entreprises et offrent la possibilité de faire monter les salariés au capital de la société. Et, contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, ces outils ne sont pas uniquement l’apanage de grands groupes.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « Gestion de patrimoine & gestion d'actifs » de Décideurs Magazine

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