Cabinet de référence aux États-Unis, Gibson Dunn est très discret à Paris. Des locaux somptueux mais confidentiels abritent une équipe de dealmakers dont l’ambition est d’élever la pratique contentieuse du cabinet à la hauteur de celle de leurs associés américains. Un sacré défi.

Gibson Dunn est le cabinet transactionnel et contentieux par excellence aux États-Unis. Cette année, le trophée de la meilleure équipe en litigation décerné par The American Lawyerlui vaut la une du numéro de janvier. La marque, synonyme d’expertise haut de gamme outre-Atlantique, suit pour autant à Paris une culture de la discrétion.

 

Succès médiatisés

Gibson Dunn se place à la onzième place des meilleurs cabinets américains et au quinzième rang du classement des cabinets globaux. Les succès procéduraux de la firme sont très médiatisés, et ses tactiques jalousées. Les plus connus d’entre eux ont fait les gros titres. Gibson Dun défend Mark Zuckerberg dans son procès contre Paul Ceglia, l’ingénieur qui tentait en 2010 de réclamer sa part dans Facebook. La firme accompagne également Chevron dans le dossier Lago Agrio dont le préjudice des faits de corruption s’élèverait à 9,2 milliards de dollars. Un contentieux toujours en cours.

 

Tous sortent du rang

À Paris, l’équipe d’une vingtaine d’avocats est abritée dans un splendide bâtiment de l’avenue du Faubourg-Saint-Honoré orné d’un discret « Gibson Dunn & Crutcher » sur la façade, alors que la firme a fait évoluer sa marque il y a plusieurs années déjà pour se faire appeler Gibson Dunn tout court. Cinq étages où se dévoilent quelques œuvres d’artistes contemporains, un mobilier design dans des murs de style haussmannien, un goût certain pour le prestige. À l’image de leurs locaux, les avocats de Gibson Dunn rendent un service haut de gamme « mais différents, dans la culture, de Davis Polk, ou Sullivan & Cromwell », s’essaie Bernard Grinspan, l’associé dirigeant. Mais alors comme qui ? 

Vraisemblablement comme aucun de leurs confrères à Paris, puisque c’est à leurs associés américains que les Parisiens veulent ressembler. Pour le moment, la structure en réunit sept, dont six dédiés au transactionnel. Le septième est à lui seul une exception. Nicolas Baverez a en effet choisi d’exercer dans cette équipe depuis 2004 pour y développer le droit public économique. Economiste et historien, il accompagne le développement international des entreprises en tant qu’avocat. C’est également le cas de ses associés corporate qui interviennent auprès de groupes financiers et de compagnies d’assurance.

 

Avis de recherche

Mais pour que le contentieux atteigne le niveau du transactionnel, il faut que Paris se dote d’associés hors pair. La recherche se porte vers un expert du contentieux haut de bilan et pénal des affaires aux méthodes américaines, dénué de conflit d’intérêts avec le cabinet « et à la sympathie bien marquée. La personnalité joue un rôle essentiel pour nous », ajoute Ariel Harroch, figure du M&A et du private equity. Rien n’effraie Gibson Dunn. Totalement soutenu par la maison-mère, ce projet de croissance externe locale profite de la réputation forgée outre-Atlantique. Mais la physionomie du contentieux français se démarque nettement de celle que connaît le marché américain. Lorsque les avocats parisiens ont expliqué la teneur de la matière à leurs associés, plongés dans la procédure lucrative du discovery, ces derniers ont failli faire marche arrière. Aujourd’hui, il est clair que l’arrivée d’associés contentieux est une priorité. Ne serait-ce que pour avoir un second levier d’activité autre que le corporate en cas de difficulté du marché. « Le projet est tentant pour un futur associé au caractère entrepreneur puisqu’il sera l’interlocuteur en France des plus gros clients américains de la firme », renchérit Bernard Grinspan.

 

Une place privilégiée

Londres a déjà suivi la même démarche, en remportant un franc succès puisque la belle américaine réunit vingt-cinq avocats contentieux à la City, tous occupés full time. Mais finalement, c’est Paris qui occupe une place privilégiée dans le cœur de la firme. Premier bureau ouvert hors du berceau américain en 1967, l’équipe cultive une fidélité redoutable. À l’image de Bernard Grinspan, indélogeable managing partner venu tout jeune avocat ouvrir l’antenne parisienne.

Ce développement espéré pour les mois à venir pourrait porter le cabinet à un effectif d’environ quarante personnes, « jamais plus » pour l’avocat, allergique à l’idée de travailler dans une tour à La Défense. « Ça peut aller très vite », estime-t-il, sans pour autant opérer une éventuelle fusion à laquelle l’avocat ne croit pas du tout. Trop indiscret ?

 

Pascale D’Amore

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