Fiscaliste pur et dur, Pascal Saint-Amans s'est rapidement imposé comme l'une des figures de la lutte contre l’évasion fiscale. Entretien avec l'un des fers de lance du plan BEPS de l'OCDE.

Décideurs. Quel est l'avancement aujourd'hui du programme Base Erosion and Profit Shifting (Beps) ?

Pascal Saint-Amans. Nous entrons dans une phase d'application de la réforme, avec la mise en œuvre de certaines mesures, comme l'encadrement du chalandage fiscal, à savoir l'implantation d'investisseurs dans un pays pour profiter de traités fiscaux avantageux avec d’autres pays. Une conférence internationale de 96 pays est aujourd'hui en place pour négocier des conventions ultilatérales et permettre l'application du texte en droit effectif. L'OCDE a ensuite reçu un mandat du G20 pour la mise en place d'un cadre inclusif, qui va permettre un examen par les paires pour s'assurer que la réforme est bien appliquée.

 

Décideurs. Qu'est-ce qui a incité les pays fiscalement attractifs à entrer dans ce système ?

P. S.-A. Ces juridictions ont intérêt à être à la table des négociations. En refusant tout changement, elles prennent le risque de mesures de rétorsion de la part des plus grandes économies, et de se voir imposer, à terme, un texte sur lequel elles n'auront pas eu leur mot à dire. Il y a ensuite une dynamique positive à ce type d'accord, comme l'a montré celui sur la fin du secret bancaire, qui a réuni un forum mondial de 130 pays. Cet effet d'entraînement a imposé à tous les pays une obligation de progresser, au risque sinon de perdre du terrain sur le plan économique et politique.

 

Décideurs.  Comment les entreprises perçoivent-elles cette réforme ?

P. S.-A. Il y a eu évidemment une très forte opposition et un lobbying intense auprès de l'OCDE, et des gouvernements qui in fine vont mettre en place le programme BEPS. Nos travaux ont été transparents tout au long des négociations, avec la soumission de nos drafts à commentaires et l’organisation régulière de points d’étape sous forme de webcasts. Sur les 12 000 pages de commentaires reçus, peu ont été positives. Aux États-Unis notamment, les critiques ont été très vives. Mais même s'il faudra encore du temps pour vérifier la bonne application des mesures, les entreprises se préparent déjà à ce changement d'environnement fiscal, sans attendre le dernier moment pour adopter de nouvelles règles.

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