Adepte d’une gestion dite value, Marc Renaud vise des valeurs sous-évaluées à un instant donné. Hélas ces dernières années n’ont pas été favorables à ce style de gestion. Pourtant, à la faveur notamment d’une inflexion de la politique monétaire de la Fed, le biais value pourrait vite revenir sur le devant de la scène. C’est en tout cas la conviction du président de Mandarine Gestion.

Décideurs. Depuis près de cinq ans, la gestion value a sous-performé par rapport à la growth. Comment l'expliquez-vous ?

Marc Renaud. La sous-performance de la gestion value est logique. Il est historiquement prouvé et psychologiquement justifié que lorsque les marchés actions sont uniquement soutenus par la baisse des taux et les politiques de quantitative easing (QE), dans un contexte de croissance économique atone, ce sont les entreprises présentant une croissance solide qui sont privilégiées. La croissance étant rare, les investisseurs s'y réfugient. En Europe, le secteur de la santé a largement profité de cette configuration de marché. La croissance est une denrée rare que les investisseurs ont eu tendance à surpayer. L'inversion de la politique de la Fed pourrait constituer cependant un signal favorable à la gestion value au détriment de la gestion growth. Les titres value étant par nature beaucoup moins sensibles à une hausse des taux. La remontée des taux d’intérêt par la Fed ouvre également la voie à un scénario de normalisation. La prime de risque baisse et les investisseurs sont par conséquent plus enclins à se positionner sur des entreprises en phase de retournement boursier. Deux réserves sont toutefois à noter. La pertinence du biais value ne se démontrera que si la remontée des taux par la Fed se confirme. Le scénario noir serait que Janet Yellen ne puisse procéder à d'autres remontées de taux. Cela voudrait dire que la normalisation de sa politique monétaire ne pourrait pas avoir lieu car l'économie est trop dépendante de la faiblesse des taux d’intérêts. La seconde réserve concerne la divergence des politiques monétaires des banques centrales. Quelles seront ses conséquences en Europe ? Le QE européen sera-t-il suffisant pour empêcher une remontée des taux sur le Vieux Continent ? Ou les États-Unis conserveront-ils leur rôle de marché directeur en provoquant une hausse des taux européens ? Difficile à vrai dire d'y apporter une réponse catégorique.

 

Décideurs. La baisse des marchés financiers du début d'année a-t-il créé un momentum pour investir sur le marché des actions ?

M. R. Le consensus établi par les marchés pour 2016 était clair : l'économie américaine et ses marchés financiers allaient plafonner tandis qu'en Europe la reprise même lente devait se confirmer. Les pays émergents demeureraient, quant à eux, toujours en difficulté. Or, en raison de quelques mauvaises nouvelles en provenance de la Chine, qui plus est accentuées dans leur interprétation, ce scénario a été balayé. Les retours que nous avons eus des entreprises européennes et chinoises vont à contre-courant du cataclysme annoncé par certaines Cassandre. La baisse de ce début d'année a été tellement forte et rapide que cela a peut-être ouvert une porte d'entrée pour les investisseurs. Pour renforcer son exposition aux actions, il faut cependant partir du postulat que la Chine est en phase de réajustement et non d'effondrement final. Mais honnêtement personne ne peut en être certain. Les marchés vont continuer à se faire peur sur la Chine et ses dégâts collatéraux. Ces mouvements sont à mon sens une bonne opportunité de revenir sur les marchés des actions européennes dont la reprise économique n'a pas été remise en cause.

 

Décideurs. Des thèmes d'investissement précis se distinguent-t-ils à vos yeux ?

M. R. Il est unanimement admis que les secteurs de la consommation et de la santé sont ceux offrant les meilleures perspectives. A contrario, les sociétés exposées aux économies émergentes et le secteur des transports ont été placées à l'index. Tout cela est en train de se vérifier. La limite est que cette analyse est très consensuelle. Les cours de ces titres ont déjà profité de cette dynamique. Ces thèmes sont incontestablement porteurs mais ces titres ont déjà beaucoup monté. Aujourd'hui si l'on pense comme moi à un retour à la moyenne, nous pouvons constater un véritable massacre sur les cours des entreprises liées aux matières premières et aux pays émergents. Ce sont dans ces deux thématiques, avec le biais valorisation qui est le mien, où les perspectives de performances sont les plus intéressantes. Prenons par exemple la valorisation d'Arcelor. Cette entreprise vaut aujourd'hui 20 % des valeurs de ses actifs. Le potentiel de hausse de cette catégorie d'entreprises est grand, à condition qu'elles ne fassent pas faillite entre-temps. C'est pourquoi il convient d'acquérir des sociétés dont le bilan est solide. Tout cela me donne donc très envie de faire l'acquisition de titres d'entreprises pétrolières ou exposées aux matières premières.

 

Décideurs. Vous venez de citer Arcelor. Quelles sont les autres valeurs présentant un potentiel de hausse intéressant ?

M. R. Je ne peux résister à l'envie de vous citer de grandes entreprises minières telles que BHP Billiton et, pour les plus audacieux, Anglo American. Tout comme pour Arcelor, leur cours ont baissé de 90 %. Des proportions qui laissent penser que le marché considère ces entreprises comme au bord de la faillite ! De même, les firmes pétrolières présentant un bilan solide (Total, Royal Dutch Shell) méritent notre attention. Pour étayer mes propos, je soulignerai que ces entreprises n'ont, dans leur histoire, jamais baissé le montant des dividendes versés aux actionnaires. Le marché affiche des rendements faciaux entre 6 % et 8 %. Il faudrait un scénario de fin du monde pour empêcher le versement de dividendes. Les banques telles que la BNP et Unicrédit ont également été très affectées par la crise en raison de l'augmentation des défauts de paiement de la part de leurs clients. Pourtant, le volume de crédit qu'elles ont accordé n'a pas bougé depuis cinq ans. Un élément qui démontre une nouvelle fois leur solidité.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « gestion de patrimoine & gestion d'actifs » du magazine décideurs

 

 

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