La bioimpression connaît un développement international significatif. Des start-up prometteuses ouvrent la voie à la médecine régénérative. La France n’est pas en reste, loin de là.
Associant impression 3d et ingénierie tissulaire, la bioimpression constitue une avancée technique majeure dans le domaine de la santé et s’érige en pilier de la médecine régénérative. Cette technologie permet la création de tissus en 3d avec des bio-encres chargées en cellules souches notamment, et promet de transformer les greffes et les traitements personnalisés.
L’innovation à fleur de peau
Pionnière en la matière, la société Poeitis a fait du chemin depuis sa création en 2014. Elle diffuse dans le monde entier sa technologie d’impression biologique multimodale NGB, pour Next Generation Bioprinting, dédiée à la recherche et au développement. Elle a aussi mis au point le tissu Poieskin® destiné, à terme, à des greffes de peau. L’entreprise, basée à Pessac, près de Bordeaux, a récemment participé à une étude pilotée par l’hôpital de la Conception de l’AP-HM, à Marseille. Ce travail concrétise un partenariat conclu en 2021 avec les services de chirurgie plastique et de thérapie cellulaire de l’établissement. Il faut se plonger dans les publications du 25 juillet 2023 de la revue scientifique Frontiers in bioengineering and biotechnology pour mesurer le pas accompli au terme de cet essai préclinique. « Ces résultats encouragent l’utilisation de Poieskin ® dans les essais cliniques de phase I car son procédé de fabrication est compatible avec les directives pharmaceutiques », peut-on y lire. Un des participants à l’étude, le docteur Jérémy Magalon, n’a pas manqué de s’enthousiasmer, annonçant pour 2024 ce premier essai clinique chez l’homme.
Poeitis travaille également au développement d’autres solutions bioimprimées en 3d dont un patch pour la réparation du myocarde, une valve cardiaque ou encore du cartilage permettant de traiter l’arthrose ou de réparer des fractures.
Des prothèses mammaires régénératives
Faire aboutir une technologie disruptive n’est pas une mince affaire. Sophie Brac de la Perrière, présidente et cofondatrice de Healshape, en a témoigné le 5 octobre 2023 durant la 9e édition de BIG organisée par Bpifrance. La société développe une bioprothèse personnalisée imprimée en 3d, régénérative et résorbable pour les femmes ayant subi une mastectomie après un cancer du sein. Elle est venue défendre son innovation et mobiliser des investisseurs : « Le financement d’une technologie de rupture est long et risqué, avec un marché encore loin ». La start-up vient d’intégrer fin novembre la 2e promotion de l’Accélérateur industries et technologies de santé porté par Bpifrance. Une étape importante sans doute pour se rapprocher des essais cliniques.
Sur ce même terrain, on trouve également Lattice Medical qui développe une prothèse similaire. La start-up est le fruit d’une collaboration entre un chirurgien plastique, un biologiste, un biochimiste et un ingénieur en biomatériaux. Son fondateur Julien Payen explique : « La prothèse imprimée en 3d est composée de biopolymères. Elle régénère le tissu adipeux du sein, perdu lors de mastectomie. Une fois ce stade atteint, la prothèse disparaît petit à petit. » Un essai clinique a démarré en Géorgie, en août 2023. Il s’étend désormais à la France, avec l’ouverture de 4 centres investigateurs comme l’a annoncé la société le 19 octobre dernier. Avec moins d’un tiers des femmes qui optent pour la reconstruction mammaire faute de solutions satisfaisantes (greffe autologue impliquant des cicatrices dans le corps ou implant en silicone), inutile de dire que les résultats de cette étude seront scrutés avec intérêt.
Pierre Derrouch